Villégiature pour aristocrates

Jadis destination de vacances prisée, Lipetsk est plus connue aujourd'hui pour son industrie métallurgique. Mais elle n’a rien perdu de son charme de ville de repos et de bains provinciale.

Crédit photos : Lori/Legion Media

La première chose qui saute aux yeux après une nuit agitée dans le train, c’est le bâtiment de la gare, très étiré vers le haut. Les chats locaux n’ont que faire du train arrivant de Moscou, contrairement aux chauffeurs de taxi, qui prennent d’assaut les voyageurs. Arrivée à la voiture, un autocollant m'intrigue : « Merci au maire pour les routes ». Ioura, le chauffeur de taxi, m’explique : « Pour la première fois cette année, les routes n’ont pas été réparées après l’hiver. Les crevasses dans le goudron sont immenses. Il faut que le maire ait honte en voyant que la ville entière roule avec ce genre d’autocollants ».

La ville de Pierre Ier

Nonobstant les difficultés routières, Lipetsk est une ville d’histoire. Après avoir traversé les inévitables quartiers dortoir hérissés de barres d’immeubles soviétiques, nous entrons dans un tout autre Lipetsk, avec des fontaines, des églises, des parcs et de vieilles maisons à deux étages.

Pour s’y rendre

Un train part quotidiennement de la gare Paveletski de Moscou à 21h30 et arrive à 7h30 le matin. Depuis la gare, si vous vous rendez en centre ville, vous pouvez prendre les bus N° 312, 347 et 348 (le trajet coûte 30 centimes), l'arrêt est situé en face de la rue de la gare sur la droite.

Pour commencer Ioura m’emmène place Pierre le Grand. La statue de l’empereur russe est déguisée en père Noël chaque année pour le réveillon. Un obélisque en fonte, autre monument dédié à Pierre Ier, se dresse sur une colline qui porte aussi le nom du souverain. Si Pierre Ier est chéri dans la ville, c'est qu'il en est le père fondateur. Lipetsk lui doit aussi bien sa station balnéaire que ses premières usines de métallurgie. 

En visitant le coin, Pierre Ier découvre les riches réserves de minerai de fer non loin de la ville. Dès 1703, un oukase impérial déclenche la construction des usines du haut Lipetsk, sur la rivière Lipovka. Le souverain a tout de suite compris l'intérêt de développer la métallurgie sur ces terres, où poussait une forêt, indispensable à l’industrie de l'époque. D'autant plus qu'en aval de la rivière se trouvaient les premiers chantiers navals pour les navires de guerre. 


Mais à la fin du XVIIIe siècle, la Russie s’implante solidement sur la mer Noire, où de nouveaux chantiers navals sont construits, volant la vedette à ceux du bassin du Don. Rapidement, les usines de Lipetsk tombent en déclin avant d'être fermées.

 

Où se restaurer

Le restaurant « Berendey » (Bectoujeva, 8) est un must pour la cuisine russe. Pour un repas léger, choisir « Buffet » (Plekhanov, 61) et « Giusto » (Pervomayskaïa, 55). Pour un café, opter pour « Chocolade » (Plekhanov, 1), « Biskvit » (Zegelya, 1), « Skazka » (Sovetskaïa, 4).


Où se loger

Le grand confort se trouve au 4 étoiles «  Laguna  » sur la rive gauche. Si l'emplacement est plus important que les étoiles, préférez le 3 étoiles «  Lipetsk  » (80 euros la nuit) sur la rue Lénine ou l'hôtel «  Style  » à un jet de pierre de la Place de la Cathédrale et du Temple de la naissance du Christ (67 euros la nuit).


Lipetsk serait restée une ville provinciale de la région de Tambov si elle ne disposait pas de ses sources d’eau minérale, dont une légende raconte la découverte des vertus médicinales. Non loin de l’usine à fondre la fonte vivaient une vieille femme et sa servante. Un jour, cette dernière rapporte de l’eau de la source et quand elle la fait bouillir, l’eau devient noire. La vieille femme prend peur, pensant que sa servante cherche à l’empoisonner, et la fait arrêter par la police. L’histoire aurait pu s’arrêter là si Pierre Ier n’était pas intervenu. Il donne l’ordre d’analyser la composition de cette eau mystérieuse et de relâcher la jeune femme. Et l'on découvre ainsi que l’eau possède des vertus curatives. Il ne restait plus qu'à construire une station balnéaire, devenue au XIXe siècle la destination préférée des aristocrates de la cour pétersbourgeoise. 

Aujourd’hui, à la place de l’ancienne station thermale se trouve le parc Nijni, avec ses sources minérales, et le plus ancien sanatorium de Russie, le « Lipetsk ».

 
Que voir en deux heures ?


De la plus ancienne rue de la ville, la rue Lénine, marchez jusqu’à la place Sobornaïa pour visiter la cathédrale de la Nativité du Christ, construite par l’architecte italien Tommaso Adolini. Descendez ensuite les 101 marches de la colline de Pierre, le long d’une cascade de fontaines et accédez à l’étang du Komsomol, pour admirer une autre fontaine qui jaillit de l’eau.

 

Ensuite traversez la rue, et promenez-vous dans le parc Nijni. À l’entrée, les plus téméraires peuvent gouter de l’eau médicinale non traitée, salée et au goût de rouille. Mais achetez-vous plutôt dans un kiosque une bouteille de « Lipetsky Buvet » ou « Rossinka », qui n’ont pas moins de vertus curatives mais sont plus agréables à boire.

Vous pouvez ensuite passer par le zoo pour nourrir des lamas, avant de partir à la recherche de l’unique « monument aux terroristes » au monde, comme on appelle ici une sculpture perdue au fond du parc érigée en mémoire des révolutionnaires de la « Volonté du peuple » (« Narodnaïa Volia », une organisation terroriste russe du XIXe siècle responsable de plusieurs attentats à la bombe, dont l’assassinat de l’empereur Alexandre II en 1881, ndlr).

3 faits sur la ville :

1 Le nom de Lipetsk vient de l'arbre le plus répandu de la ville, c'est-à-dire le tilleul (« lipa » en russe). Cet arbre est d'ailleurs représenté sur les armes de la ville. 

2 La composition de l'eau de Lipetsk est similaire à celle de l'eau des célèbres stations thermales allemandes Liebenstein et Termont. 

3 Lipetsk et Saint-Pétersbourg ont en commun d'avoir toutes deux été fondées en 1703 par le même homme, Pierre le Grand.

Terminez la promenade sur la place Pierre le Grand, admirez la statue de l’empereur et la fontaine chantante. S’il vous reste des forces et du temps, traversez le fleuve pour visiter les quartiers modernes de la ville et l’usine métallurgique Novoliptseski, le cœur battant de l’économie locale. 


Comment occuper un week-end ?


Quittez la ville. Par exemple en direction de Ielets, une ville ancienne à l’architecture très bien conservée. Ou bien vers Zadonsk, qui compte de nombreux monastères. Non loin, Astapovo a accueilli Lev Tolstoï dans ses derniers jours. Aujourd’hui, on y trouve un musée où l’on peut écouter sur gramophone un enregistrement précieux de la voix de l’écrivain conservé par miracle.

Lisez sur la page 2 : Des dizaines d'entreprises artisanales font revivre un art multiséculaire

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La dentelle traditionnelle continue de séduire


Crédit photo : RG

La dentelle est la carte de visite de Lipetsk. Des centaines d’artisanes ont présenté leurs ouvrages au festival « Les dentelles d’or de Russie » à la fin du mois d’avril.

Irina Doubova, La Russie d'Aujourd'hui

« C’est un métier très particulier, qui contient à la fois la beauté et l’âme humaine. C’est pourquoi l’objectif du festival est de conserver la fabrication de la dentelle à la main comme un élément essentiel de la culture nationale », a déclaré dans son adresse l’adjointe au gouverneur de Lipetsk, Ludmila Kourakova. 


Le festival de la dentelle, qui s’est tenu du 27 au 29 avril, a été solennellement inauguré devant le Musée d’art populaire et décoratif de Lipetsk. Les modèles fabriqués par les ouvrières de la ville et leurs collègues moscovites ont été présentés lors d’un défilé à ciel ouvert. Les invités ont participé en arborant des parasols en dentelle pour se protéger du soleil ou des habits décorés de motifs ­ajourés.


Anna Vassenkova, l’une des artisanes les plus anciennes de la région, est venue à l’inauguration vêtue d’un gilet de sa fabrication. Cela fait 65 ans qu’elle est dans la dentelle. 
« La dentelle ne disparaîtra pas. Le travail manuel est toujours apprécié, et dans la dentelle, il y a tellement d’élégance, de féminité ! Jamais la dentelle ne sera démodée »Dans l’une des salles du musée, où étaient exposés les ouvrages en compétition, les mots de l’artisane ont trouvé confirmation : sous les yeux des visiteurs travaillaient sept jeunes filles et… un jeune homme. 


« Cette exposition montre que des choses intéressantes et créatives sont fabriquées ailleurs que dans les centres traditionnels de la dentelle – Riazan, Vologda, Ielets – mais aussi dans des endroits sans tradition particulière. C’est une preuve de la popularité de la dentelle, qui a encore de l’avenir devant elle », explique Marina Sorokina, du Musée russe, auteur d'ouvrages sur la dentelle, et présidente du jury du festival.

 
La clôture de l'événement s’est tenue à Ielets. Dentelle de Vologda et de Viatka, motifs rythmés de Mtsensk et « paons colorés » de Riazan… Et au-dessus de toute celle splendeur, la surpassant par sa délicatesse et sa légèreté, la célèbre dentelle de Ielets : un « Arbre de vie » de 2 mètres sur 1,10. La toile a été créée par 20 artisanes simultanément, qui ont passé trois semaines à l’ouvrage. Les invités du festival qui souhaitaient percer les mystères de la dentelle étaient invités à visiter les ateliers de l’entreprise « Dentelle de Ielets », dont l’histoire a commencé il y a plus de 90 ans.


La ville de Ielets a accueilli le festival dans les meilleures traditions. L’ancienne rue marchande a été envahie par des jeunes dames en crinoline et munies de parasols en dentelle. Elles se promenaient sans hâte dans le « Village des artisans » où forgerons, tisserands et potiers faisaient des miracles sur leurs oeuvres. Des stands de mets traditionnels appâtaient les visiteurs par les couleurs et les odeurs savoureuses. 

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