La poursuite du chantier inachevé

Poutine a transmis à Medvedev le soin d’achever les privatisations. Crédit photo :  Alexei Nikolski/RIA Novosti

Poutine a transmis à Medvedev le soin d’achever les privatisations. Crédit photo : Alexei Nikolski/RIA Novosti

Pour son sextennat, Vladimir Poutine souhaite améliorer le quotidien des Russes. Au cours de ses deux précédents mandats, il n’avait réalisé qu’un tiers de ses promesses électorales.

Dès son investiture, le 7 mai, l’ex- et nouveau président a signé 11 décrets fixant les objectifs et les priorités de son nouveau mandat. Si la plupart reprennent les points annoncés dans son programme électoral, selon son ­porte-parole du Dmitri Peskov, les délais de réalisation y sont plus clairement énoncés.


Vladimir Poutine a évalué son programme à 1,5% du Produit intérieur brut en dépenses supplémentaires annuelles. Le ministère des Finances vise plutôt 2%, et le Centre de recherches macroéconomiques de Sberbank chiffre le montant à 1,3 trillions d’euros entre 2012 et 2018.


Le programme s’articule autour des axes suivants : l’économie (climat favorable aux investissements) ; le social (logement, santé, enseignement et science, démographie, règlement des conflits interethniques, problèmes administratifs) ; l’armée (réforme du service militaire, modernisation de l’industrie militaire) et la politique étrangère.

Ils ont dit « Pragmatique »


« Poutine a toujours été un politicien pragmatique. Quand il est arrivé au pouvoir, la contrainte était la volonté de la classe dirigeante de conserver ses titres de propriété, ce qu’il a négocié. Aujourd’hui, la contrainte est de transformer la Russie en un État européen. Qu’il le veuille ou non, Poutine devra s’adapter ». Stanislav Belkovski, politologue

« Poutine présente la Russie comme un partenaire prévisible. C’est un important signal pour les Occidentaux : il n’y aura plus de coupures de gaz en Ukraine, d’expéditions blindées en Géorgie. Si l’Occident n’intervient pas dans les affaires intérieures russes ». Konstantin Eggert, expert

Pour Poutine, la priorité de son troisième mandat reste la politique sociale. D’ici à 2018, l’espérance de vie devrait passer de 69 ans actuellement à 74 ans et le revenu moyen du travail augmenter de 1,4-1,5 fois. Dès 2012, la rémunérarion des enseignants rejoindra la moyenne des salaires, tandis que celle des professeurs d’université et des médecins devrait doubler au cours des six prochaines années. Selon les estimations du Centre de recherches macro-économiques, ces deux seules mesures se chiffrent à 87,5 milliards d’euros.


Pas question de hausse des retraites dans les décrets mais Poutine a décidé d’en augmenter le montant pour ceux qui continuent de travailler au-delà de l’âge minimum requis. Le recteur de l’ École économique de Russie, Sergueï Gouriev, y voit une manière détournée de relever l’âge de la retraite. Non pas détournée mais délibérée, corrige Vladimir Nazarov de l’Institut Gaïdar : « C’est l’une des manières de lutter contre le déficit des caisses et pour qu’elle soit efficace, il faut motiver les citoyens et les encourager à continuer de travailler. Par exemple, par le biais de cette hausse de la pension pour quelqu’un qui travaille cinq ans de plus après l’âge légal ».


D’ici à 2018, chacun doit pouvoir améliorer ses conditions de logement au moins tous les quinze ans, mentionne Poutine dans ses décrets. Pour cela, le taux de crédit immobilier ne doit pas dépasser le taux d’inflation de plus de 2,2%, tandis que le prix au mètre carré du logement doit diminuer de 20%, porté par un programme de construction de logements sociaux. Selon la Banque centrale, en avril, le taux de crédit immobilier était de 12,1% et l’inflation seulement de 3,1%. D’après le calcul de Poutine, les banques ne devaient pas proposer un taux supérieur à 5,8% annuels.


Selon le vice-président de la Raiffeisenbank, Andreï Stepanenko, seule la Sberbank peut assurer des crédits au taux exigé. Si l’on en croit les prévisions d’ici à 2014, le gouvernement espère maintenir l’inflation à 4-6%, le taux maximum pour le crédit au logement devant alors tourner autour de 8%. Pour assurer ce taux, il faudrait mettre en place un véritable marché de l’épargne à long terme, considère Stepanenko : « Ce marché peut être créé à l’aide de l’argent des retraites ».


Pour le directeur du département des ventes de Uniastrum Bank, Egor Chkerine, les grosses banques d’État peuvent émettre des obligations hypothécaires pour 5 à 10 ans, le taux atteignant alors 9-10%. Or, une augmentation des crédits immobiliers en l’absence de logements supplémentaires risque d’entraîner une hausse des prix.


Poutine compte par ailleurs créer ou moderniser 25 millions de postes de personnel qualifié et augmenter la part des technologies de pointe dans le PIB (elle est actuellement de 11,6%). D’ici à 2018, la productivité devrait être multipliée par 1,5 par rapport à 2011 et la Russie grimper de la 120ème place à la 20ème dans le classement Doing Business.


N’ayant pas exécuté, en tant que Premier ministre, le programme des privatisations, Poutine l’a renvoyé à son successeur Medvedev en le chargeant de le réaliser pour octobre 2012. La privatisation de Rosneft aura l’avantage d’apporter de la liquidité au marché russe, selon Denis Borissov, expert de Nomos bank. À ce jour, la capitalisation de la totalité des sociétés russes est égale à celle de deux américaines : Apple et Google.


Gouriev se garde de tout pronostic sur la réalisation des projets de Poutine. Le programme précédent, connu sous le nom de « la stratégie de Gref », n’a été réalisé qu’à 36%, selon les chiffres du Centre des études stratégiques. Bilan : amélioration du niveau de vie, PIB doublé, un budget d’ É tat dans le positif mais échec en matière d’institutions publiques et de gouvernance locale, de réforme juridique et de diversification économique.

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