L’électorat a exprimé une volonté de stabilité

Crédits photo : Sipa/Fotodom

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La classe moyenne urbaine, très éduquée, peut peser sur Poutine et faire évoluer le système.

Que doit faire Vladimir Poutine pour maintenir la stabilité politique dans le pays ?

Vladimir Poutine a été élu le 4 mars dernier dans des conditions qui doivent être prises en considération : au premier tour avec un nombre important de voix, plus de 60%. Même si l’on peut penser que ce chiffre est un peu « gonflé » par des « bavures » électorales, le score est au minimum de 55%. Cela indique de la part de l’électorat une volonté de voir assurée la stabilité du pays. Mais aussi une volonté de modernisation du système politique russe. La modernisation implique que les partis d’opposition puissent accéder aux élections et aux institutions. Les réformes politiques proposées par le président Medvedev en ce sens doivent être appliquées. Enfin, des mesures d’amnistie sont nécessaires ; la plus symbolique touche naturellement Mikhaïl Khodorkovski.

L’opposition russe dispose-t-elle de leviers forçant le président à libéraliser le système politique ?


L’opposition est en Russie totalement dispersée ; on l’a vu lors des manifestations de l’hiver dernier où elle n’a pas pu jouer le rôle de guide politique ou de rassembleur. En parlant d’opposition, je parle naturellement de l’opposition extérieure au système, c’est-à-dire des libéraux d’un côté, de l’extrême droite de l’autre. L’opposition libérale compte de remarquables personnalités, comme Iavlinski, Nemtsov, Kassianov, Kasparov, Lioudmila Alexeeva et beaucoup d’autres. Parmi tous ces libéraux, le plus lucide paraît être Vladimir Ryjkov, qui tente vainement d’organiser un regroupement de ses amis. Mais on constate leur faiblesse, leur incapacité à s’organiser ensemble, ce qui conduit la société civile à se choisir des leaders sans assise politique, auto-proclamés, quasi « providentiels ». En définitive, ce sont les citoyens, ceux qui ont manifesté, même dispersés dans leurs revendications, c’est-à-dire la classe moyenne montante, très éduquée, des grands centres urbains qui peut, à terme, peser le plus sur Poutine et faire évoluer le système.

Prokhorov peut-il devenir le pivot de cette opposition ?

Le cas Prokhorov est très significatif. C’est un candidat sans assise politique, auto-proclamé, symbole de la plus grande réussite matérielle, mais aussi représentatif d’une nouvelle génération qui a séduit une part non négligeable des électeurs, en particulier ceux-là mêmes qui, en manifestant, ont prouvé que le sens civique s’était développé en Russie et devenait une composante du débat politique. Prokhorov, avec ses 8% des voix obtenues lors du scrutin du 4 mars, est certainement la grande interrogation qui se pose à Vladimir Poutine. Si les personnalités libérales et leurs petits partis dispersés décidaient de se rassembler autour de lui, ou surtout s’il créait, comme il l’a annoncé, un parti politique, peut-être Prokhorov pourrait-il donner le signal d’une unification de toutes les tendances libérales extérieures au système. Il ne faut pas sous-estimer l’intelligence politique de Vladimir Poutine, qui pourrait tenter de « récupérer » Prokhorov en lui faisant place au gouvernement. Il l’a déjà suggéré. Un tel mouvement présenterait pour lui un double avantage. En nommant ministre Prokhorov, Poutine montrerait qu’il a entendu le message des électeurs qui avaient voté pour ce candidat totalement étranger au système. Mais aussi, Vladimir Poutine l’intègrerait dans le système et priverait l’opposition libérale de cet allié éventuel si populaire soudain.

Est-ce que les facteurs déstabilisants pour le Kremlin se trouvent uniquement à Moscou (et Saint-Pétersbourg) ou bien en existe-t-il d’aussi importants dans les régions (Caucase, Tatarstan, Extrême-Orient) ?

Les facteurs de « déstabilisation » ne sont pas le propre des grandes capitales russes. Mais il en est de différents qui s’annulent dans leurs effets, plutôt qu’ils ne peuvent se cumuler. Un certain séparatisme caucasien, un profond sentiment national chez les musulmans de la Volga, l’isolationnisme de l’Extrême-Orient sont autant de problèmes qui se posent à Vladimir Poutine, qui doit élaborer des propositions pour y répondre (le projet d’Union d’Eurasie, qu’il avait avancé dans son grand article des Izvestia en septembre 2011, va dans ce sens). Mais ces tendances différentes, parfois centrifuges, qui agitent l’espace russe ont pour effet premier de renforcer l’aspiration à la stabilisation du pays d’une majorité de la société. Le vote du 4 mars l’a montré. La société russe veut des changements, et pas un seul type de changement (modernisation politique pour les uns, progrès matériel pour les autres…), mais en même temps elle ne veut pas de bouleversements radicaux.

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