« Grattez la bimbo, reste la bohème. Curieuse cultivée, charmante. A mille lieues du mythe de la « femme russe » qui fait tourner à plein régime l’Internet matrimonial et pornographique. Romantiques et pragmatiques, lolitas et Pietà, les Moscovites ont plus d’un tour dans leur faux sac Kelly ». Madeleine Leroyer tord le cou aux préjugés graveleux et autres truismes malséants sur la femme russe. Pour écrire Une Vie de Pintade à Moscou, la journaliste a pris en filature les femmes de Moscou, ne les lâchant pas d’une semelle, du salon de beauté au parc avec les mômes, du marché au poisson à la boite branchée avec les copines.
La collection Une Vie de Pintade (à New York, Londres, Téhéran...) raconte les grandes villes à travers les déambulations de leurs auteures, pintades mais pas dindes ni bécasses, qui se mêlent à la faune féminine des grandes capitales, pour déchiffrer les secondes à l’aune des premières. « Les villes sont des femmes, des matrices. Et Moscou est une femme très capricieuse. Les Moscovites et Moscou se ressemblent : elles sont impressionnantes, parfois dures d’accès, bariolées mais avec des cours, des secrets, beaucoup de poésie », raconte Madeleine Leroyer devant une tasse de thé.
Intriguée, parfois déconcertée, toujours bienveillante, cette Française a sillonné la capitale pendant des mois pour composer un guide à la fois touristique, social et culturel, mêlant les bonnes adresses et les bons tuyaux, pour un mode d’emploi de la mégapole et de ses habitantes, rédigé dans une langue croquante et savoureuse. « C’est un bouquin léger mais qui aborde des thèmes difficiles », prévient-elle. « La société russe reste encore très patriarcale et la femme n’y fait pas question. Toutes les thématiques graves comme le harcèlement sexuel ou la violence domestique conjugale ne sont pas adressées dans le discours public. » La visite chez l’esthéticienne et les soirées folles au café Mayak laissent aussi la place à des apartés informatifs sur les 14 000 femmes russes qui meurent tous les ans sous les coups de leur homme et les nécessités du harcèlement sexuel dans la vie professionnelle. Ailleurs, Madeleine Leroyer raconte la vie héroïque de Super Babouchka « qui réchappé des griffes d’un mari alcoolique et violent dont les torgnoles lui ont valu trois séjours à l’hôpital, a élevé seule cinq enfants, dont les deux orphelins de sa meilleure amie, morte dans un accident de voiture » ou la solitude résignée de Muslima, travailleuse migrante tadjike qui « trime à la plonge dans un restaurant du centre commercial Tvoï Dom, douze heures par jour, sans pause, six jours sur sept ».
« On dit de Moscou qu’elle ne croit pas aux larmes. Les Moscovites, elles, savent très bien les consoler. Elles m’ont montré les lieux où l’on peut baisser la garde, arrêter le temps », écrit Madeleine Leroyer. La rédaction de la Vie de Pintade a permis à la journaliste, qui vit à Moscou depuis trois ans et demi, de s’approprier enfin véritablement la ville, en « sortant de sa zone de confort habituelle » pour aller à la rencontre de lieux et de gens qu’elle aurait sans doute omis de croiser autrement.
Une Vie de Pintade à Moscou, Calmann-Levy, 416 pages.
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