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Alors que se tient aujourd’hui une élection présidentielle très controversée en Russie, l’opinion publique reste divisée sur l'avenir politique du pays. La Russie d'Aujourd'hui a demandé à différents experts et représentants de forces politiques s’ils présageaient une escalade des protestations, un « tour de vis » ou d'autres options.
Elena Panfilova, directrice de Transparency International-Russie
Le fait qu’un rassemblement de l'opposition soit prévu le lundi après l'élection signifie qu’il est peu probable que les autorités prennent des mesures sévères pour l'empêcher. Ils ont déjà entamé le dialogue avec le peuple et sont prêts à faire des concessions : bien que cela ne modifie pas significativement la situation politique générale, on peut quand même y voir un signe positif.
Gregory Fiefer, correspondant en chef de Radio Liberté et spécialiste des relations Russie-Etats-Unis
Honnêtement, je ne peux pas prédire les événements post-élection. Tout peut arriver, même si je doute qu'il puisse y avoir une révolte de type printemps arabe, et je ne crois aucunement qu'il y aura une guerre civile. Les manifestants contre Poutine ont formulé des exigences simples et irréfutables en faveur d’un changement graduel qui pourrait ébrécher la nature fermée de son règne avec une ouverture à la concurrence politique. Le scénario le plus probable est une lutte continue sur l'avenir du pays.
Les actions récentes de Vladimir Poutine ont sapé son image cruciale de leader fort, ingrédient clé de la culture politique traditionnelle qu’il a restaurée en Russie. Mais ses pouvoirs autoritaires seront pris en charge par un groupe d’amis fidèles, au cœur du système politico-économique, et renforcés par les puissants services de sécurité ainsi qu’une culture de la corruption généralisée qui offre à un grand nombre de bureaucrates et à de nombreux citoyens privés de participer à ce système. Un changement du système impliquerait donc des changements radicaux de comportement dans la société.
Il conviendra aussi de voir si l'élite politique et les cercles d'affaires finiront par croire que leur sécurité serait mieux protégée avec un nouveau chef, et jusqu’où Poutine est prêt à aller pour rester au pouvoir. Il a indiqué dans sa dernière interview qu’il pourrait vouloir se présenter à nouveau en 2018.
Vladimir Kachine, vice-président du Parti communiste de Russie
Le problème est très grave, mais nous espérons qu'il ne dégénérera pas en confrontation civile. Beaucoup dépendra de la journée du vote: des fraudes seront-elles constatées et la pratique du « carroussel » et des bourrages d’urnes auront-elles lieu ? La situation est très complexe et, malheureusement, les autorités ne comprennent pas que seules des élections honnêtes et un pouvoir légitime sont en mesure de mettre fin à l'agitation publique. Ils ont l'intention d'orchestrer des falsifications lors des élections, sans comprendre que cela pourrait entraîner des conséquences imprévisibles, comme ce fut le cas dans les années 1990.
Pourtant, je pense que beaucoup de fonctionnaires sont conscients qu'ils encourent des poursuites criminelles en cas d’infraction et qu’ils essayent de respecter les ordres des autorités. Il est nécessaire de mettre fin à l'anarchie afin de prévenir des événements susceptibles de secouer à nouveau le pays. Nous avons besoin d’un pouvoir légitime, reconnu non seulement dans le pays, mais aussi dans le monde.
Guennadi Goudkov, Député de la Douma, parti Russie juste
Une guerre civile ne résulte pas d’élections, mais de la réaction inadéquate des autorités. Et nos autorités démontrent leur incapacité à répondre de manière adéquate à l'indignation du public et aux manifestations, que nous n’avions pas vues depuis 20 ans. Tout scénario politique est possible dans de telles circonstances, parce que la plupart des gens ne veulent pas avoir à supporter les mensonges, les promesses non tenues et une télévision contrôlée par l'Etat. De l'action des autorités dépendra le déclenchement ou non d’une confrontation dans la société.
Toutes les révolutions sont orchestrées par les autorités. Et Vladimir Poutine est aujourd’hui le plus grand révolutionnaire de Russie : il pourrait provoquer une révolution s'il n’entame pas un dialogue avec les gens.
Dmitri Iliouchine, vice-président du parti d’opposition Iabloko
Compte tenu de l'attitude discriminatoire contre le candidat à l'élection présidentielle du parti Iabloko, les élections peuvent entraîner des troubles sociaux. Bien que les autorités aient entendu les gens, elles n’ont pas satisfait leurs exigences. Cela pourrait provoquer de nouvelles manifestations, mais pas une révolution : le peuple ne veut pas connaître un nouveau bouleversement politique. Je crains que les autorités ne provoquent des troubles publics afin de trouver un bon prétexte pour réprimer l'opposition, comme en Biélorussie.
Valentina Matvienko, president du Conseil de la Fédération, dans une interview accordée à Kommersant.ru
Nous avons assisté dans l'histoire à des bouleversements politiques lorsque des radicaux voulaient ébranler le pays. Les autorités et les services de maintien de l’ordre doivent prendre toutes les mesures adéquates afin de prévenir les violations de la loi et la violence.
Aujourd'hui, les autorités n’empêchent pas les gens de descendre dans la rue et d'exprimer leur point de vue. Par ailleurs, le président a rencontré l'opposition « hors système », il les a écoutés et a pris en compte leurs propositions. Et comme vous le voyez, tout a été mené avec décence. Les chaînes de télévision montrent les manifestations et ont donné aux gens une occasion de se faire entendre.
Voilà la démocratie civilisée, et nous devrions l'encourager. Mais si les rassemblements versent dans la provocation dès le départ, les autorités doivent agir en conformité avec la loi.
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