Qui est Poutine 2.0 ?

Crédits photo :  AP

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Si se frotter douloureusement aux feuilles de l'article de M. Poutine a un sens, alors il ne peut y en avoir qu'un. Le candidat Poutine ne participe pas aux débats. En direct, il s'adonne dans l'ensemble à des séances de magie préélectorale, réjouissant les milliers de nouveaux contribuables avec leur propre argent. Et lors des rassemblements en son propre soutien, il appelle à mourir pour le tsar et la patrie. Et pourtant, il s'avère que c'est précisément dans ces textes que l'on peut trouver la réponse à la question principale : Pourquoi revient-il ? Quelles sont ses idées ? Qui est M. Poutine version 2.0 ?

Alexandre Gabouïev. ( Crédits photo : kommersant )

Publié lundi 27 février dans le quotidien Moskovskie Novosti, l'article « La Russie et un monde changeant », consacré à la politique étrangère, donne une réponse précise à ces questions. La politique étrangère du candidat à la présidentielle Poutine 2.0 est identique à celle du président Poutine 1.0.

Son chemin creusé par les ans, Poutine s'y engouffre dès les premières lignes. Il promet une politique étrangère qui émanera « des intérêts et objectifs eux-mêmes, et non de solutions dictées par qui que soit » et qui reflètera « la place unique de la Russie sur la carte politique du monde, son rôle dans l'histoire et dans le développement de la civilisation ». Le danger pour la patrie, bien entendu, provient toujours des mêmes bons vieux personnages. Après s'être demandé qui sape la confiance, le candidat Poutine trouve immédiatement la seule réponse juste : les Etats-Unis et l'OTAN. Leur ingérence dans les affaires des États souverains est la racine de tous les maux de la planète. Vladimir Poutine considère même les ambitions nucléaires de l'Iran et la Corée du Nord comme la conséquence directe d'une intervention extérieure : si les Américains restaient tranquillement assis de l'autre côté de l'océan, les ayatollahs iraniens n'auraient jamais songé à bricoler une bombe atomique. La suite s'inscrit dans le schéma familier du discours de Munich : nous ne permettrons ni ne pardonnerons la création de lignes de division.

Tous les plats de la cuisine poutinienne en matière de politique étrangère sont servis, les plats de ce vieux menu usé jusqu'au trou. Voici les malicieuses ONG parrainées par l'Ouest. Et les pipelines Nord et South Stream qui sauveront l'Europe. N'oublions pas ce misérable système de défense antimissile. Ainsi que les méchants Estoniens et Lettons. Au fil des ans, le chef cuistot n'a rien perdu de l'envergure de sa pensée, comme le prouve sa proposition visant à créer une Union de l'Europe et ses idées pour restructurer le système mondial en y éliminant l'influence excessive des États-Unis et de l'OTAN.

Même le « printemps arabe », Vladimir Poutine n'en tire qu'une seule leçon importante : « Les événements tragiques ont dans une certaine mesure été stimulés non pas par la défense des droits de l'homme, mais par l'intérêt de certains dans une redistribution des marchés ». C'est pourquoi les « fans de l'intervention démocratique » sont coupables de tous les maux. Les dirigeants vissés sur leurs trônes, soucieux de nettoyer toute alternative politique, encourageant ainsi l'apparition des radicaux, n'y sont absolument pour rien.

Curieusement, les quatre ans de présidence de Dmitri Medvedev et son approche quelque peu différente de la politique étrangère ne sont presque pas mentionnés dans l'article. Sauf un rappel de la résolution sur la Libye que la Russie a laissée passer au Conseil de sécurité, ce que Poutine qualifie d'erreur. Même le redémarrage si cher à Medvedev n'est pas évoqué une seule fois.

Pourtant, en dépit des incohérences et des contradictions des années Medvedev, les diplomates s'étaient vus fixer pour la première fois un objectif clair et approprié. La politique étrangère devait travailler pour l'économie et s'efforcer de garantir son amitié avec les bons partenaires : ceux qui peuvent être une source d'investissement et de technologies afin de surmonter notre retard de plus en plus marqué sur tous les grands voisins. Et le plus important : sortir de cette situation de cycliste cherchant à rattraper le peloton, cette position qu'occupe la Russie. Mais cette idée ne fait pas frissonner Vladimir Poutine. Il n'y voit pas la grande puissance et la bravoure qu'il chérit tant.

 

OPINION

Je ne suis pas d'accord avec les premiers commentaires sur l'article, qui disent que Poutine est trop agressif envers les États-Unis et l'Occident. Mais j'ai moi aussi un certain nombre de griefs. Le principal est l'absence de section consacrée à la politique russe dans l'espace postsoviétique. Pourtant, selon la doctrine officielle, ce domaine est prioritaire dans la politique étrangère de la Russie. Deuxièmement, je ne suis pas d'accord avec ce que M. Poutine déclare au sujet du « soft power », qui vise à atteindre les objectifs de politique étrangère sans utilisation d'armes, grâce à l'information et d'autres leviers. Je pense que c'est un outil très important dans la politique internationale moderne, et que la Russie doit l'utiliser et le développer. Il ne faut pas être critique envers cet outil, il convient au contraire d'utiliser les possibilités offertes par le « soft power ». D'ailleurs, je ne pense pas que l'article puisse susciter des inquiétudes à l'Ouest ou ailleurs. (Publié sur Forbes.ru)

Nikolaï Zlobine, directeur des programmes russes et asiatiques du Centre d'information de défense (Etats-Unis)

Lisez article original sur le site : kommersant.ru

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