L’OMC continue d’inquiéter

Crédits photo : AP

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Les officiels se félicitent d’avoir bouclé des négociations à l’avantage de la Russie. Mais dans l’automobile et l’agriculture, l’intégration apporte son lot de problèmes.

Il est de bon ton de louer l’entrée de la Russie dans l’Organisation Mondiale du Commerce. Une intégration dans les échanges globaux qui n’est que logique pour la plus grande économie à en avoir été tenue à l’écart. Une récente conférence sur les aspects pratiques de l’entrée de la Russie dans l’OMC a souligné les divergences qui subsistent entre les autorités et les acteurs de plusieurs secteurs de l’économie. Organisée par la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe, la conférence a confronté l’autosatisfaction du ministère du développement économique russe avec l’angoisse et les critiques venant principalement du secteur agricole. Le secteur automobile voit dans l’accession à l’OMC quelques aspects positifs et des défis sérieux. Un représentant du secteur pharmaceutique a rappelé toute une liste de questions très techniques auxquels les négociations n’ont pas encore répondu clairement.

Une chose était claire pour tous les intervenants : les échanges vont s’accélérer, plus exactement, ils vont poursuivre une accélération continue depuis 12 ans, qui n’a été que brièvement écornée en 2009 qu’à cause de la crise globale. Le représentant de la Chambre de commerce germano-russe Michael Harms a indiqué que plus d’un milliard d’euros vont être investis dans la production industrielle par les groupes allemands installés en Russie, principalement dans l’automobile et l’équipement pour l’agriculture. Un chiffre qui confirme le dynamisme et la confiance que les industriels allemands éprouvent pour le marché russe. L’entrée du pays dans l’OMS ne freine en rien le désir de localiser la production sur le lieu de consommation, a rappelé Harms. Le représentant de l’Union des Entrepreneurs et des Industriels Russes Andreï Kouznetsov s’est voulu rassurant. Il est sur la même longueur d’onde que les autorités et voit dans l’intégration la confirmation de la bonne santé du grand business russe.

L’Union n’avait pas toujours été unanime sur ce point dans le passé. Nombre de ses membres faisaient un lobbying agressif contre l’entrée du pays, les uns craignant une augmentation des tarifs domestiques de l’électricité, les autres assurant que l’industrie russe restait extrêmement vulnérable à la compétition étrangère et avait un besoin vital de barrières protectionnistes. Kouznetsov s’est contenté de déplorer l’absence en Russie d’agence pour l’exportation, un organisme d’Etat apportant un soutien financier aux entreprises exportatrices. Les sociétés de la plupart des économies matures disposent d’un tel outil, ce qui leur donne un avantage notable sur les Russes.

Le gouvernement réfléchit depuis plusieurs années à mettre sur pied cette agence, mais les résultats concrets se font encore attendre.

Ekaterina Maïorova, qui mène depuis 10 ans des négociations avec l’OMC au sein du ministère du Développement économique, a dressé un bilan entièrement positif de l’accession. Elle a entre autre souligné que la plupart des réformes et lois nécessaires pour préparer le pays avaient déjà été réalisées en 2008, et que seules des « lourdeurs administratives » ont continué entre temps à poser problèmes aux étrangers. Selon elle, les réformes concernant les devises, le commerce et la propriété intellectuelle sont totalement achevées. Maïorova a noté que tout est désormais prêt, à l’exception de quelques services financiers comme l’assurance, car un accord a été trouvé avec les partenaires de l’OMC pour libéraliser progressivement l’accès au secteur. « Certaines limites posées aux capitaux étrangers vont être relevées, d’autres seront purement et simplement supprimées », a-t-elle expliqué.

Lorsque le temps fut aux questions de la salle, celles-ci ont fusé presque toutes du même secteur, à savoir l’agriculture. Ses représentants se sont plaints du fait que les producteurs de viande et les petits agriculteurs ne sont absolument pas prêts à une levée des mesures protectionnistes, car les coûts de production en Russie reste élevés, les investissements insuffisants à cause des difficultés de financement. Les subventions accordées à l’agriculture aussi, même si Maïorova a promis qu’ils se poursuivront, l’OMC ne les annulant pas. Ils « augmenteront même jusqu’à 9 milliards de dollars par an, avant de revenir à leur niveau actuelle », a-t-elle noté.

Les petits exploitants agricoles s’indignent de ne pas être informés du tout des changements impliqués par l’accession. « Nous avançons les yeux fermés » s’est plaint une exploitante. « Nous sommes tenus à l’écart des négociations, seuls les très grosses entreprises sont consultées ». La détresse du secteur était perceptible durant la conférence, suggérant que, dans leur ensemble, les exploitants agricoles, péchant d’optimisme, s’étaient persuadés que la Russie n’entrerait jamais dans l’OMC.

Côté industrie automobile, le directeur général de Renault en Russie Bruno Ancelin a indiqué que « les effets de l’accession mettront 3 à 4 ans à se faire sentir sur le marché ». Renault, selon ses dires, se réjouit que l’entrée dans l’OMC « améliore que niveau de compétition : c’est bon pour le consommateur et cela ajoute une pression concurrentielle dans le secteur ». Mais il note aussi que les marges sont déjà très faibles pour les constructeurs, et surtout reste une interrogation « l’industrie automobile sera-t-elle assez forte pour résister à l’énorme compétition des constructeurs européens et asiatiques ? » Ancelin a rappelé les investissements considérables de Renault en Russie, l’engagement à long terme dans l’emploi, la localisation et même la recherche et développement. Puis il a révélé la principal menace pour une marque misant sur le low-cost : l’OMC va forcer Moscou à renoncer aux taxes protectionnistes sur l’importation de véhicules d’occasion. « Il y a un risque d’effondrement de 20% du marché des voitures low-cost » à cause de la concurrence brutale des voitures d’occasion. Il est certain qu’à l’aube de l’entrée dans l’OMC, Togliatti a besoin d’autre chose que de discours gouvernementaux rassurants.

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