UEFA : le fair-play arrive en Russie

Crédits photo : RIA Novosti

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Les équipes de football pourraient bientôt devoir renoncer à acheter des joueurs trop chers. Selon les nouvelles normes de l’UEFA, les clubs devront prouver, durant les trois prochaines années, que leurs dépenses ne dépassent pas leurs revenus. Le président de l’UEFA Michel Platini a approuvé l’adoption de ce règlement. Mais même si certaines de ses dispositions sont déjà appliquées depuis janvier 2012, il n’entrera entièrement en vigueur qu’en juillet 2014. Pour le moment, les clubs européens ont droit à un niveau maximal de dépenses pour les trois prochaines années fixé à 45 millions d’euros.

L’UEFA déclare que non seulement ces nouvelles règles financières limiteront les dépenses des grands clubs, mais qu’elles viseront également à mettre fin à cette nouvelle tendance qui voit des équipes moins connues acquérir des joueurs chers dans le but de rivaliser avec les meilleurs. « Notre objectif n’est pas de mettre tous les clubs dans le même panier », précise le président de l’UEFA. « Nous voulons faire en sorte que les clubs moyens ne dépensent pas des millions qu’ils n’ont pas ».

Certaines équipes appartiennent à de riches propriétaires, qui investissent de leur propre poche pour acheter des footballeurs avant de rembourser les dettes du club. Les nouvelles règles interdiront de telles pratiques qui seront désormais considérées comme une atteinte à la concurrence. L’UEFA estime que la moitié des 650 clubs européens accusent des pertes chaque année. De plus, 20% d’entre eux ont un déficit qui dépasse 20% de leurs revenus.

Mais ces propriétaires fortunés auront de nouvelles possibilités de dépenser leur argent : ils pourront, par exemple, participer à la construction de nouveaux stades et de centres de formation. Les équipes qui ne respecteront pas les nouvelles exigences risqueront d’être disqualifiées des compétitions européennes. Ces mesures, qui seront supervisées par l’UEFA, concerneront également la Russie. Selon un rapport spécial de l’UEFA pour l’année 2009, 92% des budgets des équipes russes ont servi à payer les salaires des joueurs et des entraineurs. Avec de tels chiffres, difficile évidemment d’imaginer des bénéfices.

Roman Babaev, directeur général du CSKA Moscou, a cependant affirmé suite à une réunion avec Andrea Traverso, en charge du département des licences des clubs et fair-play financier de l’UEFA, qu’en faisant plus attention à leurs dépenses, en particulier en ce qui concerne les transferts entrants et la masse salariale, les clubs russes « pourront pleinement s’intégrer ». Mais le CSKA, selon Babaev, essaye déjà « de garder l’équilibre » chaque année et y arrive jusqu’à présent. Le fair-play financier n’inquiète pas non plus le Lokomotiv Moscou. C’est en tout cas ce qu’affirme sa présidente, Olga Smorodskaïa. Les autres clubs du championnat russe ne peuvent toutefois pas en dire autant, surtout le Zenit Saint-Pétersbourg et l’Anji Makhatchkala. Ces clubs dépensent des sommes folles pour transférer des joueurs, mais ne reçoivent pas autant en retour.  

Hélas, il n’y a qu’en Russie que des clubs dépensent 29 millions d’euros pour un Balazs Dzsudzsak, international hongrois peu connu (l’Anzhi l’a acheté pour 13 millions et l’a vendu il y a quelques semaines au Dinamo pour 16 millions), et le salaire de Samuel Eto’o dépasse les revenus annuels issus du merchandising d’un des clubs européens les plus productifs dans ce domaine, à savoir l’Ajax d’Amsterdam. Pendant ce temps-là, les Russes qui visitent Amsterdam achètent les maillots de l’Ajax au nom de Dimitri Bulykine, et Samuel Eto’o s’achète une nouvelle voiture au style « rétro ». Ainsi, selon les chiffres de transfermarkt.com, site de référence sur les transferts de footballeurs, 4 des 12 plus gros transferts du dernier mercato d’hiver ont été réalisés par des équipes russes.

Les entraineurs souhaitent aussi bénéficier des mêmes avantages que leurs protégés. D’après le journal italien Gazzetta dello sport, Luciano Spaletti, coach principal du Zenit, gagnerait 4 millions d’euros par an, un salaire que personne n’est capable de lui assurer dans son pays natal. L’Inter de Milan s’est bien montrée intéressée par les services de son compatriote durant l’été, mais malgré le prestige du club italien, qui aurait envie de perdre de l’argent ? Ruud Gullit, ancien grand joueur néerlandais qui suit désormais une carrière d’entraîneur, n’a travaillé au Terek Grozny que cinq mois. Pour le licencier, l’équipe tchétchène a dû lui verser une indemnité tellement grande que Ruud peut oublier le foot pendant quelques années. D’autres ont également gagné beaucoup d’argent en très peu de temps passé en Russie, comme Michael Laudrup, Nevio Scala, Artur Jorge, ou encore Juande Ramos. De toute évidence, ces gens viennent en Russie pour l’argent, mais le niveau du championnat ne s’améliore pas pour autant.

Dans les trois prochaines années, la garantie d’un niveau acceptable de dépenses à hauteur de 45 millions d’euros devrait permettre de sauver les clubs russes n’ayant pas de gros appétit en matière de transferts. Mais un problème persiste : on ne sait pas encore très bien comment l’UEFA réagira par rapport à certains revenus, comme l’argent venant des sponsors par exemple. Il faudra prendre en compte les spécificités de la compétition russe, dans laquelle les principaux sponsors font partie des actionnaires des clubs et beaucoup d’équipes vivent aux dépends des budgets régionaux. Le groupe d’experts de l’UEFA devra commencer par s’y retrouver parmi toutes ces subtilités. Et il sera intéressant de voir comment les spécialistes européens réagiront aux explications des dirigeants de clubs russes du type : « l’argent vient de la mairie ».

Le Président du CSKA Moscou Evgueni Giner a déclaré qu’il soutenait pleinement ces nouvelles règlementations : « l’initiative de l’UEFA est indispensable, non seulement pour notre club, mais pour tout le football russe. 90% des équipes de notre pays sont en déficit et il est nécessaire de prendre des mesures immédiatement. Beaucoup de points ont été améliorés ces dernières années, mais il reste encore du travail ».

Iouri Issaïev, président du Dinamo Moscou, partage cet avis : « l’idée du fair-play financier de l’UEFA me plaît. Je pense qu’à un moment donné, toutes les équipes devront avoir un budget plus transparent. Cette situation arrive à grands pas. Les clubs ouvrent principalement le budget des dépenses mais pas celui des revenus, parce que l’origine de cet argent n’est pas toujours très clair ».

Bien entendu, des questions subsistent en regardant de plus près les dépenses démesurées de l’Anji, acteur le plus actif durant le mercato d’été : comment l’ambitieux club de Makhatchkala s’adaptera-t-il à un contrôle financier aussi étroit de la part des institutions dirigeantes du football européen ? Suleyman Kerimov continuera évidemment à aider le club de sa région. Mais comment les experts de l’UEFA réagiront-ils à ces pratiques ?

L’Anji, comme tous les autres clubs de la ligue russe, devra cependant s’efforcer de trouver davantage de sources de revenus autres que celles des riches sponsors et de l’État. En outre, il est possible qu’avec l’introduction du fair-play financier, nos équipes accordent plus d’importance à la formation des jeunes talents russes. En d’autres termes : pourquoi dépenser de l’argent pour des footballeurs étrangers, alors que les nôtres ne sont en rien plus mauvais ? Sergueï Foursenko, président de la Fédération russe de football, a indiqué dans son rapport qu’il voulait gagner la prochaine coupe du monde, qui se tiendra en Russie. Mais comment y parvenir si les meilleurs joueurs du championnat russe sont tous étrangers ?

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