Un tirage issu de l’exposition Another Face . Crédits photo : Oleg Dou
La série de portraits Another Face. Auteur : Oleg Dou
Né en 1983 à Moscou dans une famille d’artistes, Oleg Dou (Douriaguine) a le génie modeste. Il est charmant, discret, un peu « geek » comme il est de mise pour un garçon de sa génération. À l’ère de l’image omniprésente, il fait partie de ceux qui n’aiment pas se faire photographier : « Je me souviens de ce sentiment d’angoisse face au calvaire des clichés de famille ou des photos de classe. Et je me trouvais toujours mal à l’aise derrière le masque du sourire » . Pour lui, la meilleure défense, c’est l’attaque et il se met à la photo pour exorciser ses peurs enfantines.
Oleg Dou. Photo des archives personnelles |
Ses portraits dévoilent sa fragilité, un perfectionnisme torturé, une exigence esthétique qui place la barre très haut. Un questionnement constant sur l’identité, le gouffre entre l’être et le paraître.
Oleg fait beaucoup référence à son enfance - l’enfant a d’ailleurs une grande
place dans son œuvre. « Mon tout premier souvenir remonte à l’âge de deux ans
quand je me suis électrocuté » . Cette réminescence a-t-elle eu une influence
sur son travail ? Le déclic de son appareil devient l’étincelle électrique
qui illumine ses modèles jusqu’à les surexposer, les « cramer », effaçant tous
traits d’expression et laissant remonter à la surface la quintessence de l’âme.
La force de ses images dérange et interpelle. Les regards transluscides,
hypnotiques de ces personnages rendus intemporels, assexués, inexpressifs grâce
à une haute maîtrise de la retouche numérique, vous fixent avec une
indifférence douloureuse. Son travail est toujours sur le fil du rasoir, à la
limite du beau et du laid, de l’innocence et de la perversion, de l’aliénation.
D’ailleurs, il n’est pas anodin que ses photos soient exposées au Musée de la
psychiatrie à Gent, en Belgique. « Depuis toujours, j’étais attiré par le
morbide mais avec des critères rendant cette morbidité attrayante », révèle
Oleg.
Mon travail était une expérimentation, une recherche. Puis, une thérapie pour vaincre mes complexes
Contre toute attente, dans un contexte du marché de l’art en Russie peu
prometteur pour ne pas dire défavorable pour les jeunes artistes débutants, il
connaît une ascension rapide. L’ histoire d’un succès aux airs de conte de
fées, dû principalement à sa rencontre, dès ses débuts, avec la galeriste russe
Liza Fetissova (Galerie RussianTeaRoom). Cette passionnée de photographie
pleine d’ambition s’attèle, depuis quelques années, et avec un franc succès, à
promouvoir de jeunes artistes russes à Paris. À la recherche de nouveaux
talents, elle a déniché les photos d’Oleg Dou sur Internet. Tout a été très
vite. « Dès le début, j’ai vu un jeune artiste responsable, concentré sur son
travail, honnête. On a « grandi » ensemble, et Oleg m’a fait confiance.
Cela fait plus de cinq ans que ça dure...» , confie Liza.
Aujourd’hui, sa réussite saute aux yeux : récompensé par des prix
photographiques, Oleg Dou fait régulièrement l’objet de parutions dans les
journaux et ses travaux sont présents dans plusieures galeries à travers le
monde. Liza nous révèle qu’à chaque exposition « entre quatre et cinq photos
sont vendues à des prix variant entre 6 000 et 16 000 euros » . D’ailleurs, en
2011, la société Artprice, leader de l’information sur le marché de l’art, a
classé Oleg Dou parmi les trois photographes de moins de 30 ans les mieux
vendus en salle de vente publique.
Toutefois, cette réussite n’est pas seulement le fruit de la chance mais aussi
du travail persévérant d’un autodidacte conscient de son talent. Son œuvre
cohérente et profonde laisse transparaître la quête d’identité d’un artiste de
génie en devenir. « Tout d’abord, mon travail était une expérimentation
esthètique, une recherche. Puis, une véritable thérapie pour vaincre mes
complexes. Je suis maintenant dans une phase plus agressive, sadique si l’on
peut dire, où je cherche à me jouer de mes modèles, les torturer
esthétiquement ».
La série de portraits Another Face, présentée ici pour la première fois,
révèle des personnages toujours aussi lunaires, résignés et même consentants.
Leurs visages portent les symptômes morbides d’épidémies extraterrestres et les
stigmates de la torture graphique. La peau subit des transformations, sa
texture mue, elle devient surface organique sur laquelle l’artiste laisse libre
cours à ses fantasmes. Oleg avoue : « Dans mon enfance, je m’amusais toujours à
tracer ces lignes sur les photos des magazines pour les embellir ou les
enlaidir ».
« Une œuvre étrange et captivante » : c’est ainsi que Liza Fetissova définit le
travail de son protégé. En tout cas, si vous croisez ces regards fixes,vous
avez peu de chances de rester indifférent.
En étant très optimiste, on aimerait croire que l’histoire d’Oleg Dou ne
restera pas un cas isolé et que sa réussite marque les prémices de jours
radieux pour une myriade de jeunes talents russes. Pour le moment, force est
de constater que les artistes locaux restent cloisonnés dans un marché de l’art
qui, malgré un essor certain ces dernières années, manque de structure, de
stabilté et d’initiatives.
Exposition personnelle Another Face : du 5 janvier au 2 mars 2012. Le vernissage en présence de l’artiste aura lieu le 19 janvier 2012.
Galerie Russian TeaRoom, 42, rue Volta 75003 Paris
Exposition collective Dangereusement jeune : Enfant en danger, enfant dangereux depuis le 1er octobre 2011 jusqu’au 20 mai 2012.
Musée de la psychiatrie du Dr Guislain, Gent, Belgique
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