La crise démographique et les bizutages font fondre les rangs. Crédits photo : RIA Novosti
Le chef d'État-major de l'armée russe Nikolaï Makarov a jeté d'un coup plusieurs pavés dans la mare le 17 novembre dernier lors d'une conférence de presse à Moscou. C'est le dogme du sacro-saint million de soldats qui vacille, avec l'annonce que seuls 11% des hommes âgés de 18 à 27 ans peuvent en principe servir dans les rangs de l'armée. Makarov ajoute qu'en outre, 60% de ces 11% souffrent de problèmes de santé qui empêchent l'armée de les intégrer. « Nous nous trouvons dans une situation où il ne reste virtuellement personne à enrôler » , s'est plaint le chef d'État-Major devant un parterre de journalistes médusés.
Il est de notoriété publique qu'un nombre très important de jeunes Russes
versent des dessous de table aux officiers recruteurs pour échapper au service
militaire, fabriquent des dossiers médicaux falsifiés, voire deviennent père dans
l'espoir d'échapper au service militaire obligatoire de douze mois. Les
violents bizutages, le travail forcé et les conditions de vie éprouvantes sont
à l'origine de l'impopularité du service. Le fort déclin démographique est un
autre facteur majeur des difficultés éprouvées par les généraux pour lever une
armée d'un million d'hommes « prêts à combattre à tout moment » .
Cet automne, le nombre d'appelés a du être divisé par deux (à 135 850), par
rapport aux 250 000 à 300 000 prévus. L'appel se déroule deux fois par an, au
printemps et à l'automne.
Nikolaï Makarov envisage, pour combler le déficit d'appelés, de les remplacer
peu à peu par des « kontraktniki », soit des soldats professionnels.
Dès 2013, il veut recruter des kontraktniki au rythme de 50 000 par an. Si le
processus fonctionne, Makarov estime qu'on pourra envisager l'abandon de
l'appel sous les drapeaux « à partir de 2016 » . Le ministre de la
défense Anatoli Serdioukov s'est fixé pour objectif de recruter 425 000 soldats
professionnels d'ici 2017. Cette réforme fondamentale de l'armée a provoqué de
gros remous chez les généraux très attachés à la conscription de masse, fondée
sur une pensée militaire ancrée dans l'époque soviétique et formée au sortir de
la seconde guerre mondiale.
Pour l'expert Alexandre Golts, l'armée d'un million de soldats n'est plus qu'un
mythe inaccessible. Il fixe ses estimations pour cette année à 710 000
militaires au total, dont 220 000 officiers (leur nombre a été considérablement
réduit ces dernières années), 180 000 « kontraktniki » (soldats sous
contrat), 35 000 cadets (étudiants soldats) et 270 000 appelés. Golts note avec
soulagement que les généraux admettent enfin que l'armée n'est en mesure
d'entretenir qu'environ 500 à 600 000 soldats. Mais il doute que les
autorités soient prêtes à relever le salaire des soldats professionnels au
niveau promis, soit 30 000 roubles par mois (714 euros).
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