Dans les faits, les Russes sont souvent contraints de payer leurs soins. Crédits photo : Reuters / Vostock-Photo
Le président sortant Dmitri Medvedev vient de voter une loi provoquant une brèche dans le sacro-saint principe de la gratuité des soins. À deux semaines des législatives.
Pour faire des tests sanguins, Elena Kopylova, 49 ans, est arrivée à la porte de sa clinique publique locale de la banlieue de Moscou à 7 h du matin, une heure avant l'ouverture. Elle n'était pas la première. « J'ai du diabète et je peux m'évanouir en attendant », a dit Kopylova. Cette femme obèse venue pour tester sa glycémie à jeun, attendait ainsi à la clinique le mois dernier.
La queue finit par compter des dizaines de personnes, et beaucoup n'ont jamais
atteint leur tour malgré des heures d'attente. Les petits futés savaient,
cependant, qu'il suffit de glisser 200 roubles (5 euros) à l'infirmière pour
échapper à la file. De telles scènes sont omniprésentes en Russie, où la santé publique est
sous-financée, sous-équipée et en sous-effectifs depuis l'effondrement de
l'Union soviétique.
La gratuité des soins est cruciale dans un pays dont 23% des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté |
Dans une tentative de changement, le gouvernement a proposé une réforme radicale de la santé publique cette année. Même si elle n'a pas déclenché les joutes verbales qui ont suivi les récentes réformes aux États-Unis, elle a néanmoins suscité un débat houleux, qui a été relancé à la mi novembre, lorsque le président Dmitri Medvedev a signé le projet de réforme.
Le projet de loi cherche mettre un terme à ces « gratifications »
auxquelles Kopylova a assisté dans la clinique où elle attendait patiemment son
tour. Mais cela se fera en légalisant les services médicaux payants dans les
établissements d'État. Ce qui, disent les critiques, constitue une étape vers
l'abolition de la gratuité des soins dans le pays.
Toutes les constitutions russes depuis 1936 jusqu'à l'actuelle - adoptée en
1993 - mentionnent la gratuité des soins comme un droit inaliénable.
Mais il s'agissait d'un droit systématiquement violé, surtout à l'époque
postsoviétique, lorsque le système de santé était miné par des financements
insuffisants et commençait lentement à s'effondrer.
Les patients sont souvent obligés de payer pour des services supposés être
gratuits, à la fois officiellement et « sous la table », soit parce
que les installations médicales manquent de financement, soit parce que les
médecins, aigris par les foules de malades et les bas salaires, sont réticents
à faire leur travail.
Depuis 1991, les dépenses publiques en soins de santé n'ont
« pratiquement pas augmenté » en termes réels, déclare Larissa
Popovitch, directrice de l'Institut d'économie de la santé auprès de l'École
supérieure d'économie.
70% de l'argent dépensé en soins de santé publique prétendument gratuits
proviennent des paiements légaux et « informels » des patients, a
expliqué Popovitch.
Bien que le gouvernement envisage d'augmenter les dépenses militaires à 20.000
milliards de roubles (476 milliards d'euros) en 2020 - un montant spectaculaire
dont on ne trouve d'équivalent qu'à l'époque de la Guerre froide - rien de tel
n'est attribué pour les « dépenses sociales ». Les priorités
gouvernementales n'ont pas fini de provoquer des débats.
Article initialement paru dans The Moscow Times
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