Crédits photo : Kommersant
En Sibérie, la bataille préelectorale s’annonce aussi rude que le froid. Selon les sondages, le parti du pouvoir Russie unie reste en tête. Mais l’opposition ne baisse pas les bras.
À Barnaoul, capitale du kraï de l’Altaï, les affiches électorales de Russie unie ressemblaient plus à des slogans de l’opposition. Sur l’une d’elles, une dame sérieuse sous tout rapport clame : « Qui n’a pas compris ? Nos contrées s’asphyxient ! ».
Est-ce l’effet des salaires de misère, du chômage ou bien de la pollution : l’affiche ne le précise pas. Mais la population a réagi de façon véhémente, indignée à juste titre car, après dix ans de plein pouvoir, c’est justement à Russie unie que la question mériterait d’être posée. Dès l’apparition des commentaires de réaction sur les forums internet, les affiches ont été retirées. Le cri de ralliement de Russie unie est dorénavant : « D’avantage de soutien de l’Etat ! ». Vladimir Nebalzine, un habitant de Barnaoul, a décidé de porter plainte devant la Commission électorale régionale pour subornation.
« Ce slogan va à l’encontre de la législation électorale selon laquelle il est interdit de promettre aux électeurs des bénéfices matériels », considère Vladimir. « La commission m’a répondu qu’il n’y avait pas de transgression. J’ai alors adressé une lettre au procureur du kraï mais je n’ai pas obtenu de réponse dans le délai légal. J’ai porté ma plainte devant le procureur général et me prépare à faire appel devant le Tribunal ».
Ces plaintes, Vladimir les a déposées en tant qu’électeur lambda. Bien qu’il soit le représentant régional du Parti de la liberté populaire, son parti n’est pas enregistré, il n’a donc aucun poids politique.
Beaucoup de Sibériens, tout comme Vladimir, sont loin de porter le « parti du pouvoir » dans leur coeur. « Moi, je vais voter communiste », nous confie Elena, « Pour moi, ce sont les moins affiliés au pouvoir. Bien sûr, tous les politiques sont des vendus, mais c’est sur les communistes qu’il y a le moins de scandales ».
Elena est une jeune femme active. C’est apparemment pour cet électorat que le parti libéral Juste cause avait été réanimé, mais pour quelques semaines seulement. Suite à l’exclusion de son chef de file milliardaire, Mikhaïl Prokhorov, il est vite retombé dans le coma politique et n’attire plus personne, même les plus libéraux.
« Ils ne sont pas clairs. Pour qui, pour quoi, avec qui ils sont. Qu’est-ce qu’on gagne, nous les Sibériens, si la Russie rejoint la Communauté européenne ? Je vote communiste par principe depuis déjà quelques années », affirme Elena.
« J’aurais bien voté Iabloko (parti d’opposition libérale, ndlr), ils ont une certaine intelligence, des idées claires. Mais ils ne passeront pas », avoue Sergueï, travailleur auxiliaire mais poète dans l’âme, vivant avec un salaire de 6800 roubles (162 euros). « Je vais donc choisir entre les communistes et les libéraux-démocrates, d’autant que leur chef, Vladimir Jirinovski, a proposé un programme sensé pour une fois ».
Beaucoup de Sibériens refusent de voter pour les partis qui, d’après les sondages, sont assurés d’avoir leur place à la Douma : Russie unie, le parti communiste, les libéraux-démocrates et Russie juste. Or, la case « contre tous » a été retirée des bulletins depuis longtemps. C’est pourquoi , le retraité Valentin Khanovitch , a décidé tout simplement de refuser de voter et a fait la demande à la Comission électorale d’être rayé des listes. Sa requête à été refusée.
« Je compte faire appel devant le tribunal régional », persevère Valentin Khanovitch. « Et si ça ne marche pas, j’irai devant la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg ».
Si les velléités de protestation sont chose habituelle, ce qui est nouveau c’est cette volonté de les exprimer et de les concrétiser, note Sergueï Andreïev, représentant régional de l’association « La voix » pour la défense des droits des électeurs.
Néanmoins, les commissions électorales mettent tous les moyens en jeu pour donner une image positive des élections. Même les non voyants ont leur bulletins imprimés en braille. Dans la région d’Irkoutsk, des hélicoptères, des véhicules tout terrains et des bateaux sont mis à disposition des électeurs situés dans les coins les moins accessibles. En Khakasi, les bulletins seront même imprimés en deux langues, bien que le dialecte local ne soit que très peu parlé, et encore moins lu.
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