La Russie tourne le dos à l'Europe

Crédits photo : Kommersant

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Yevgeny Shestakov, Rédacteur en chef du Service international de Rossiyskaya Gazeta analyse les relations entre la Russie et l'Europe unie.

Un rapport du Centre pour la recherche stratégique a été présenté lors d'une réunion du Club Valdaï, qui regroupe des experts politiques de plus de dix pays. Se fondant sur des données provenant de « groupes de discussion », les sociologues affirment que seuls 33% des représentants de la classe moyenne partagent pleinement les valeurs européennes traditionnelles. D'un côté, les Etats européens sont en tête de liste des pays avec lesquels des liens plus étroits seraient souhaitables pour la Russie. De l'autre, les Russes ne veulent plus que leur pays progresse vers davantage d'intégration avec l'Europe unie.

Une fatigue évidente peut être observée dans les relations Moscou-Bruxelles, alors que les parties prennent une pause hésitante afin de comprendre comment aller de l'avant. Mais cette pause est certainement nécessaire : les agendas des sommets annuels Russie-UE s'amenuisent constamment, se réduisant à l'examen de questions récurrentes.

En Russie, l'impression que l'Europe unie n'est pas capable de prendre des décisions stratégiques sur le long terme s'installe. La plupart des questions soulevées à titre prioritaire dans les pourparlers de haut niveau n'ont pas connu de développement pratique. Le travail sur un nouvel accord entre la Russie et l'UE est au point mort. Des négociations sont en cours dans quatre domaines : la sécurité des documents, l'immigration clandestine, l'ordre public, et les relations étrangères.

Moscou est fatigué d'attendre que Bruxelles s'intéresse de nouveau à la mise en place de liens plus étroits avec son voisin oriental. La Russie est prête à un partenariat avec l'UE, mais uniquement sur un pied d'égalité. Le pays refuse d'être considéré comme un élève négligent qui ferait des pieds et des mains pour obtenir une note de comportement médiocre.

En Russie, l'impression que l'Europe unie n'est pas capable de prendre des décisions stratégiques s'installe

Le problème est que Moscou ne décèle pas de besoin de resserrer les liens au sein de l'Ancien Monde, toujours barricadé derrière la barrière des visas et des mesures restrictives frappant les entreprises russes. La Russie commence à avoir l'impression que l'Europe est surtout intéressée par le maintien d'un système asymétrique d'échanges avec Moscou dans un contexte de crise. L'Asie, au contraire, cherche des moyens de se rapprocher de la Russie et est prête à lui accorder un statut de partenaire, d'égal à égal. Elle est consciente que le rapprochement avec Moscou présente un potentiel économique considérable. En 2012, la Russie prendra la présidence du Conseil de coopération Asie-Pacifique et la ville de Vladivostok accueillera le prochain Sommet de l'APEC.

La Russie ne renoncera pas à son « statut » européen au cours des cinq à sept prochaines années. Mais dans le même temps, le pays s'intègrera plus activement à un nouveau monde dominé par l'Asie.

Les débats concernant le chemin – européen ou asiatique – que la Russie choisira au cours des cinq prochaines années sont intellectuellement dépassés. La Russie reste l'un des rares pays au monde capables de mener son propre jeu en matière de politique étrangère. Selon le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, la Russie est prête à attendre que la Commission européenne « murisse sur la question des visas ». Mais pendant que la Russie attend un rapprochement avec l'Occident, Moscou promeut activement ses propres intérêts à l'Est. Il ne s'agit pas d'un gel provocant des relations avec l'Union européenne. Mais la diversification des relations internationales constituera l'une des priorités de la Russie en matière de politique étrangère ces cinq prochaines années. Un des participants du sein du Club Valdaï a décrit avec sagacité l'objectif de cette stratégie: « S'orienter vers l'Asie n'est pas un choix civilisationnel, mais c'est nécessaire pour permettre à la Russie de maintenir la place qu'elle mérite dans la politique mondiale ».

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