Crédits photo : ITAR TASS
D’emblée, le visiteur de la Biennale, Réécriture des mondes , se heurte à un immense masque à gaz (œuvre « Grosse tête verte » du groupe russe Electroboutique), embrasé de l’intérieur par l’Apocalypse. Il s’agit d’un objet interactif : le spectateur doit se dévêtir pour que le paysage apocalyptique cède la place à une nature florissante. Cette installation au message transparent – seul l’homme pur, nu au sens propre et figuré, peut retrouver la nature originelle – vous prépare à passer d’un rôle d’observateur passif à celui d’ « utilisateur actif », invité à participer à la création de l’œuvre d’art.
L’interactivité est au cœur de cette biennale. On touche les œuvres, on leur parle, on peut même les piétiner. Déroutant pour le visiteur traditionnel habitué à se comporter dans un musée comme dans une église. Mais le choc culturel est vite remplacé par le sentiment familier qu’on éprouve dans un magasin de gadgets rassemblant toutes les nouvelles technologies. Juste ce que voulait le directeur de cette Biennale, le pionnier et propagandiste des nouveaux médias au service de l’art, Peter Weibel.
Seuls 14 artistes russes participent à la manifestation, sur un total de 194
exposants. Peut-être parce qu’en Russie, où l’on vénère encore le plus
traditionnel des moyens d’expression artistique, la peinture, il n’est pas
facile de trouver des créateurs au goût de Weibel. Le projet « Tekhnologia » de
la jeune artiste Taissia Korotkova ironise sur ce sujet en représentant les
espaces stériles d’un laboratoire à l’aide d’une technique archaïque, la
tempera sur bois.
Le principe de la quatrième Biennale est l’interactivité : une approche
totalement neuve et franchement déroutante pour le public russe. Crédits photo : Kommersant
Les artistes russes témoignent d’ une philosophie généralement différente de leurs collègues occidentaux ou orientaux, manifestant un moindre intérêt pour les sujets d’actualité (pollution, conflits armés, inégalités sociales, terrorisme international). Leur engagement est souvent plus métaphysique que politique. Ainsi,Valery Tchtak, en obligeant les spectateurs à piétiner ses peintures, évoque la crise du modernisme et de son principal support, le tableau, qui, selon Weibel, va bientôt définitivement céder la place aux nouveaux vecteurs technologiques. La jeune Aline Goutkina interroge des adolescents qui avouent vivre en proie à un sentiment d’angoisse irrationnelle. Le groupe BlueSoup créé, à l’aide d’un procédé d’animation virtuelle, un sommet alpin qui s’éloigne infiniment dans les cieux - un simple pic, objet idéal pour la méditation et la réflexion sur l’éternité.
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