L'écrivain russe Zakhar Prilepine. Crédits photo : Fotobank
Prilepine développe ses thèmes de prédilection : les amitiés viriles, l’amour, la guerre, l’alcool, l’adolescence, la nostalgie de la ruralité et de l’enfance : « On marchait … à travers une prairie d’une beauté insoutenable… l’immense joie du monde nous avait pour la dernière fois peut-être rendus bons, honnêtes, joyeux, et pas du tout, mais alors pas du tout adultes ». Quelque chose se flétrit à l’âge adulte ; veulerie, mal de vivre, absence totale de projet, sauf celui récurrent de se saouler. On boit une bière et on rate le train ; quelques bières plus loin, on manque l’arrêt ; on s’endort ivre mort dans un cendrier ou dans la neige, laissant filer le moment tant attendu de coucher avec une fille. Un des trois lascars de « Récit de garçons » emprunte de l’argent à sa mère pour monter une petite affaire de réparation de voitures. Bien entendu, la première voiture qu’il acquiert après moult péripéties finit dans un ravin. Fin des ambitions entrepreneuriales.
Chez Prilepine, la vie a peu de prix au regard des émotions qu’elle offre : le
bonheur fugace d’un rayon de soleil, l’amitié, l’amour, la peur.
Le livre n’est pas sans rappeler une certaine littérature américaine, mais ici
le héros n’est pas un « bad boy » . S’il décrit, jusqu’à la nausée,
d’épaisses brutes sans les justifier ni les condamner, il y a en lui un trop
plein d’amour qui l’amène à absoudre l’autre simplement parce qu’au fond de la
plus sombre brute il y a quelque chose d’humain.
Auteur controversé pour son engagement politique au sein du parti national
bolchévique Zakhar Prilepine, est aussi emblématique de la Russie actuelle. Le
jury qui lui a décerné cette année le prix Super Bestseller National consacrant
un des dix auteurs de la décennie ne s’y est pas trompé. Prilepine s’inscrit
dans la tradition de la littérature russe par son écriture et par le mépris de
la vie, et de l’argent, par le fatalisme, l’absence d’espoir, l’amour immodéré
de la Russie, la fierté de souffrir d’elle et pour elle.
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.