Titre : Dans les forêts de Sibérie
Auteur : Sylvain Tesson
Édition : Gallimard
Nous étions habitués à suivre Sylvain Tesson sur les routes du monde, farouche mangeur de kilomètres que la fatigue déposait parfois à l’endroit même où s’arrêtait sa course, comme un enfant fauché par le sommeil. Nous savions de lui que cette course effrénée et éreintante, en faisant de chaque journée un millefeuille de moments de vie intenses et mémorables, était le prix à payer pour tenter de fausser le mécanisme de la grande horloge. Une traversée de la Sibérie à pied lui avait fait découvrir les cabanes éparpillées sur les rives du Baïkal et les paysages magiques du lac. Il eut envie de s’y installer le moment venu pour jouer contre le temps une autre partition et mettre en accord ses paroles et ses actes : vivre au cœur de la nature en l’impactant le moins possible.
Là, au bord du Baïkal, dans une cabane de trois mètres sur trois, les jours
s’égrainent au rythme des tâches essentielles : couper le bois pour le
poêle, nourrir les mésanges qui frappent à la fenêtre, préparer les repas,
pêcher, écrire, lire, glisser dans une douce ivresse et surtout, observer les
bêtes, les paysages grandioses du Baïkal, écouter la vie, les gémissements ou
les craquements terribles des glaces. Il y a les moments qui se donnent dans
la contemplation et ceux que l’on mérite, arrachés à coup de piolet le long de
parois enneigées, à coups de rame au milieu des eaux glaciales du lac ou dans
des marches forcées par moins 30°. Le bonheur naît du contact avec la nature,
de l’immensité et de la solitude, de la liberté qu’elles génèrent. Dans ce
sentiment de plénitude souveraine et d’immense liberté, rien ni personne ne lui
manque. Il y a bien sûr les moments de doute, de dégoût de soi, de chagrin
lorsqu’un message annonce l’abandon par l’être aimé, mais l’impression
dominante est celle de l’unité presque retrouvée.
Il est des lieux et des environnements qui répondent à ce que l’on est au plus
profond de soi. Pour Tesson, ce sont les forêts de Sibérie et les hommes que
l’on y croise, des taiseux, dotés d’une incroyable énergie vitale. Ivres de
vodka, d’espace et de liberté, ils vivent l’instant présent avec d’autant plus
d’intensité qu’ils n’attendent rien du lendemain. En ce sens, Sylvain Tesson
est leur frère. Dans sa solitude de la taïga, il réussit le miracle d’instaurer
un dialogue entre eux et des auteurs, des penseurs, des scientifiques, des
sages.
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