Dans son livre irrévérencieux, excentrique et plein d’affection Made in Russia : icônes inconnues du design soviétique (Rizzoli), l’éditeur Michael Idov rassemble une équipe de poids lourds de l’écriture et d’artistes pour explorer la vie, l’art et le kitsch soviétiques. Ensemble, ils évoquent des souvenirs et redécouvrent les créations misérables et inénarrables qui ont aidé à donner forme à la vie soviétique. Ils reviennent sur 50 des icônes les plus évocatrices.
Exhumant l’un des moments les plus glorieux de l’URSS, la mise en orbite de Spoutnik-1 autour de la terre en 1957, Michael Idov cite Claire Booth Luce, qui appelait le globe ressemblant à une araignée « un crachat galactique inter-continentale contre une décennie de prétentions américaines selon lesquelles l’American way of life était une garantie en or de [leur] supériorité nationale ».
Inévitablement, Micheal Idov écrit, Spoutnik « a été le point de départ de nombre de tendances en matière de design ». Il reconnaît aussi sans hésiter que beaucoup de créations soviétiques étaient de maladroites arnaques reprises d’inventions occidentales. Made in Russia parvient à se concentrer sur les emblèmes les plus inspirés, le meilleur d’un « pastiche moderniste fou », écrit l’éditeur. « C’était un mélange de savoir-faire du temps de la guerre, d’esthétique de l’ère spatiale, de chic usé accidentel, de motifs slaves et de rêves d’Occident déformés. »
La plupart des objets choisis par Michael Idov et décrits par Bela Chaïevitch ne sont pas des exploits de l’ingénierie soviétique. Plus curieusement, ils sont l’épave flottante d’une société morte, des verres à eau à 12 facettes omniprésents au filet à provisions, laissant paraître le butin.
Le livre offre des souvenirs duels. L’une des images les plus puissantes est celle d’un distributeur de soda ambulant avec un seul verre pour tous. Misérable, intime et chaleureuse, l’image évoque étrangement une vie toute en simplicité.
« Le livre a débuté comme un remède à la nostalgie », a expliqué M. Idov lors d’une interview téléphonique. L’éditeur est tombé sur un ouvrage récent de Leonid Parfionov, journaliste russe encensé, intitulé Notre Ère, « omnivore dans sa nostalgie ».
Michael Idov a eu peur d’être allé trop loin dans la direction inverse. Il a décidé de nuancer le ton ironique et branché par des essais personnels.
Les essais sont rédigés par des personnalités comme l’artiste Vitaly Komar ou l’écrivain juif russe émigré Gary Shteyngart. Le résultat est quelque peu chaotique, le livre est en même temps un mélange brut d’essais, de textes, de descriptions et d’images, le tout emballé de puissance émotionnelle.
Lara Vapnyar, qui se souvient de son uniforme d’écolière, lequel ressemble maladroitement à une version taillée en un bloc d’un costume de femme de chambre française, évoque l’archétype de la scène d’un adolescent dont les premières inspirations sont étanchées par une mère soviétique. La question épique est : à quel point un costume d’école peut-il être bien taillé ? Pour une jeune fille : quand il épouse ses formes. Pour sa mère : quand il cache sa fille qui grandit.
Mais l’essai le plus visionnaire est celui de Vitaly Komar, éminent fondateur du mouvement Sots Art. Non seulement il déconstruit la faucille et la marteau, mais il ressort un limerick, ce qu’il appelle une « infâme comptine populaire des années 1960 ».
Voici le marteau,
Voici la faucille,
Le fier symbole de notre nation,
Forge ton acier
Coupe ton foin,
Tu te feras enculer
De toute façon
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