Crédits photo : Liliya Zlakazova.
Situé dans la rue Troubnikovsky, le Musée littéraire présente une exposition de l’illustrateur et réalisateur de film d’animation Alexandre Alexeïeff, plus connu en Europe et aux Etats-Unis comme le «Gustave Doré russe». Les cinq salles du rez-de-chaussé abritent plus d’une centaine de gravures uniques de l’artiste, émigré russe en France, qui proviennent de la collection de Boris Friedman, ainsi que le premier film d’animation réalisé selon la technique de la gravure animée.
Au centre de la salle, un livre fermé est exposé dans une vitrine, et tout autour, sur les murs, ce même livre ouvre ses pages sous forme fragmentée. La recherche de présentation du texte et des images, qu’il est difficile de qualifier d’illustrations, c’est justement là le vrai livre d’artiste. «Ce type de livre sort en série limitée (par exemple 50 exemplaires), et n’est généralement pas relié», explique le collectionneur du livre et passionné René Guerra, invité à l’exposition moscovite. «En France, le nom d’Alexeïeff est aussi connu que celui de Diaguilev».
Lorsque la famille Alexeïeff est arrivée en France dans les années 1920, le jeune artiste avait à peine 19 ans. En 1925, il reçoit sa première commande pour la conception d’un ouvrage. Depuis, il a illustré plus de 50 livres, essentiellement des classiques russes et contemporains français. En exil, Alexeïeff apprend seul les différentes techniques de gravures, et c’est dans un petit atelier près de Paris qu’il trouve son propre langage artistique, qui s’allie parfaitement à la prose psychologique et fantasmagorique.
En 1929, il signe une série de 100 lithographies pour l’édition française du roman «Les Frères Karamazov». Les images de l’oeuvre de Dostoïevski semblent comme sortir de la brume, et se chevauchent les unes aux autres. Elles se révèlent, dans un même temps, incroyablement nombreuses. Comme pour la technique de la lithographie, l’auteur reproduit l’effet d’une animation sur ordinateur, à l’image du 3D. L’«Hologramme», réalisé à la main, est absolument conceptuel, et plein d’expression. Un fils bat son père avec sept paires de botte, un samovar entouré de petits verres à perte de vue, c’est ce qu’on appelle une illustration indirecte. Voici la scène finale de l’enquête criminelle.
«Celui qui souhaite s’exprimer et penser par lui-même doit trouver sa propre technique», affirmait l’artiste. Et c’est avec succès qu’il a trouvé la sienne. A partir de 1933, Alexeïeff passe du statique au mouvement. Avec sa femme Claire Parker, il co-réalise son premier film d’animation «La nuit sur la montagne chauve», de Moussorgsky. Ce film signera l’invention de la gravure animée. Un dispositif unique (que l’auteur appelle un constructeur de formes scintillantes), qui permet d’animer les gravures, c’est-à-dire d’obtenir un effet de mouvement.
La créativité d’Alexandre Alexeïeff pourrait être qualifiée d’épicentre, où se mêlent bouts d’expérimentation avant-gardistes du début du XXème siècle, esthétique particulière du post-impressionnisme, quelques combinaisons surréalistes et une «empathie» profonde de la figure littéraire. En un sens, sa tradition a été perpétuée par Iouri Norstein et Alexandre Petrov, seuls et uniques liens menant aux oeuvres de ce grand artiste russe, malheureusement quasiment inconnu en Russie.
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