Il l’avait promis, il est revenu

Le petit ours, michka en russe, mascotte soviétique des JO de 1980 a été le chouchou de toute la nation. À la recherche d’une nouvelle mascotte, le Comité olympique de Russie propose un nouvel ours. Mais il a peu de chances de connaître le même succès que son prédécesseur, selon les experts.

Crédits photo : Mildberry.

Lors de la clôture des JO de Moscou en 1980, un millier de spectateurs, les larmes aux yeux, avaient fredonné l’hymne non officiel des Jeux « Au revoir, notre doux michka… » Sur une musique triste, la mascotte de ces Jeux olympiques, un ours débonnaire, s’était envolé dans le ciel moscovite, attaché à des ballons gonflables. 21 ans plus tard, michka l’olympien est de retour. Il est vrai que les années ont imprimé leur griffe sur le personnage et sur l’aspect extérieur de la mascotte légendaire. L’ours est dorénavant plus agressif, déterminé, et a gagné un sens aigu des affaires. Selon les plans du Comité olympique de Russie, la marque Team Russia devrait, en plus de rassembler sportifs et supporters, rapporter de l’argent au budget olympique.

Le casting pour le poste de nouvelle mascotte de l’équipe de Russie a été expéditif. Fin juillet, le président Dmitri Medvedev a déclaré que le pays avait besoin d’un nouveau trousseau de mascottes pour le monde du sport, comprises par tous. « Si cela fonctionne, alors les succès seront autres », a-t-il résumé. Dont acte, un mois plus tard, le « nouvel ancien » visage du sport a été présenté avec la petite agence de branding Mildberry Sports Lab. D’après Oleg Beriev, le gérant de l’agence, cité par le quotidien Vedomosti, les designers avaient le choix entre plusieurs modèles, et finalement, il a été décidé de ne pas imaginer de nouvelles marques mais de travailler avec ce qui existait déjà, en ajoutant de nouvelles significations.

Comme le souligne M. Beriev, la plupart des Russes reconnaissent l’ours comme symbole national. Reste à savoir à quel point le sens que les concepteurs ont voulu insuffler à ce logo est une réussite. La question est controversée. « Cette image aurait pu être limitée aux équipes de rugby et de boxe. Le message est clair : nous sommes la Russie, avec nous, on ne rigole pas », explique le coprésident de l’association des Compagnies des branding de Russie, Alexeï Andreïev. « Là, on a une mascotte brutale, alors que dans le monde contemporain, l’autodérision est le propre des nations fortes », résume-t-il.

 

« L’ours en lui même n’a rien de mal, ce qui est troublant, c’est la façon dont il est réalisé », souligne la directrice du centre d’art Chorus, Della Bezelianskaïa. « On a le sentiment que les auteurs avaient pour mission de faire quelque chose de nouveau et d’original, par principe, et à cause de cette maladresse, cela semble artificiel. Le projet américain Team USA est beaucoup plus modeste et de facto authentique », poursuit-elle. Les supporters non plus n’ont rien contre l’animal retenu, cependant leur relation à l’image de la marque en elle-même est ambigüe. Le journaliste de La Russie d’Aujourd’hui a interrogé des fans de retour du stade Loujniki à Moscou après un match de foot. « Sans l’inscription Team Russia et le désormais bien connu drapeau tricolore, je porterais volontiers cet ours tous les jours », admet Anna, 20 ans. Son acolyte, Oleg, estime au contraire qu’il faut conserver les couleurs de la patrie : « Ce n’est pas un habit pour la rue ou la salle de sport. C’est une peinture de combat pour le stade, pour crier et pour tirer, pour devenir fou ». À ce jour, seul un petit nombre de spécialistes connaissent la marque Team Russia, mais dès septembre, l’ours doit débuter sa marche triomphale à travers le pays. Le Comité olympique entend organiser une campagne de publicité à grande échelle. On pourra voir la tête de l’ours (qui n’a d’ailleurs toujours pas de nom) sur les écrans de télévision et les panneaux d’affichage, se familiariser avec lui sur Internet et même le voir sur l’uniforme des sportifs. En outre, l’ours agressif aura sous son patronage des compétitions sportives populaires, comme « La journée de la course à pied » ou bien la compétition de basketball de rue.  

Jusqu’à présent, l’élaboration de la marque a coûté au client 120 000 euros, et les frais de publicité, 3,5 millions d’euros. Tous les chiffres sont pour l’instant indicatifs, et le budget final dépendra de l’échelle du projet. Cependant, selon le dessein des organisateurs olympiques, les dépenses devraient être amorties et l’ours agressif devrait, dans un délai relativement court, rapporter de l’argent au budget du sport de la Russie. « Ces marques fonctionnent déjà dans de nombreux pays du monde : aux Etats-Unis, il y a US Team, en Italie, Ital Team, en Grande-Bretagne, GB Team. Ces marques valent des sommes colossales, et les annonceurs collaborent activement avec elles », confie Fedor Chtcherbakov, PDG du groupe Le sport de haute performance, responsable de la collecte de fonds pour le Comité olympique.

Selon lui, le travail en collaboration avec les fédérations et la progression de la marque Team Russia en 2011 et 2012 permettront à la société d’injecter plus de 700 millions d’euros dans le sport. Certes, sa compagnie n’a pour l’instant de contrat qu’avec les fédérations de sport alpin et de golf, mais d’ici la fin de l’été, des accords avec une dizaine d’unions sportives différentes sont prévus.

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