Crédits photo : AFP/East News
Les objectifs du président tombent sous le sens : « Améliorer le développement de la mégalopole de Moscou et simplement rendre plus facile la vie d’un grand nombre de personnes » . La tâche est pharaonique : construire à partir de zéro une ville de 100 000 à 500 000 âmes. « Que la ville des fonctionnaires soit modeste, soit, mais elle doit être autonome » , estime Mikhaïl Khazanov, vice-président de l’Union des architectes de Moscou. « Les organes supérieurs du pouvoir fédéral, ce ne sont pas uniquement des bureaux. Il faut aussi des logements, une infrastructure sociale, des transports et des sociétés de services » , poursuit l’architecte. Contrairement aux prévisions, les fonctionnaires n’ont pas rouspété. Il leur avait pourtant été imparti très peu de temps.
Afin de préparer les options du « grand déménagement », Medvedev leur a donné moins d’un mois.
Des
représentants de la municipalité s’étaient plaints d’un délai trop
court, mais ils sont néanmoins parvenus à le respecter. Les autorités
régionales ont d’ores et déjà accepté de transférer à la ville une zone
délimitée par les routes vers Kiev et Varsovie, et par le grand anneau
de la voie ferrée de Moscou. Y seront aménagés 105 millions de mètres
carrés de sites, dont 45 millions de mètres carrés de bureaux et 60
millions de mètres carrés de logements. C’est à peu près le double du
volume annuel de la construction dans toute la Russie.
Le maire de
Moscou Sergueï Sobianine aura besoin de près d’un an pour résoudre des
problèmes que les experts comparent avec ceux rencontrés par d’autres
projets similaires ailleurs dans le monde, et résolus, comme au Brésil.
La capitale actuelle Brasilia a été créée ex-nihilo, le site choisi
étant d’ailleurs loin d’être le plus confortable : au beau milieu de la
jungle. C’est selon un schéma similaire qu’a opéré le président kazakh
Noursoultan Nazarbaïev, lorsque la capitale a été transférée d’Almaty à
Astana.
Cette démarche permet avant tout de rompre les liens
corrompus entre les fonctionnaires et les représentants de diverses
élites. D’ailleurs, c’est une expérience similaire qu’avait tentée au
XVIIe siècle le tsar réformateur Pierre le Grand, en déplaçant la
capitale vers les marais de Saint-Pétersbourg.
Un autre dispositif a
été mis en place en Birmanie et au Nigéria, où le centre du pouvoir a
été implanté à partir de zéro dans un site difficile d’accès. Le
remplacement des grands commis de l’État n’était pas à l’ordre du jour.
Au contraire, les autorités cherchaient à protéger les fonctionnaires
contre d’éventuels troubles sociaux.
Enfin, une troisième option a
été utilisée par les autorités de Malaisie où a été fondée une ville
ultramoderne réservée aux fonctionnaires, à 20 km de Kuala Lumpur :
Putrajaya, le nouveau centre administratif du pays. Dans aucun de ces
cas la question d’un renouvellement radical de l’élite ne s’est posée,
le processus étant principalement lié à des raisons de commodité et de
gestion. À en juger par l’emplacement du nouveau siège du pouvoir
russe, l’option de Medvedev semble s’inspirer du modèle malais, car tous
les sites proposés sont faciles d’accès.
Le chef de projet de la compagnie de gestion immobilière Trinfiko, Artem Tsogoïev, reste méfiant :
« Nous faisons face à une situation où les institutions sont
nominalement extraites de la capitale, mais néanmoins chacune d’elles
devra conserver, outre le siège en région, une importante filiale à
Moscou »
.
Dans tous les cas, le coût devrait être substantiel, estiment les experts.
« 12 à 15 mètres carrés par fonctionnaire seront nécessaires. La
construction et l’équipement reviendront à environ 2 105 euros le mètre
carré. Non seulement les fonctionnaires, mais aussi leur personnel a
besoin d’espace. Le coût total du déménagement d’un officiel pourrait se
situer entre 50 000 et 100 000 dollars (soit entre 35 000 et 70 000
euros) »
, calcule le partenaire gérant de l’agence immobilière Blackwood, Konstantin Kovalev.
Les
promoteurs du projet sont pourtant convaincus que ces frais seront
rentabilisés. Le ministre des Finances Alexeï Koudrine estime que le
transfert permettra de libérer des bâtiments dans le centre-ville. Si la
vente en est bien gérée, le coût à long terme du projet pourrait être
entièrement amorti.
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