Crédits photo : RIA Novosti
Difficile à ce moment de croire que cette terreur qui frappe l’Europe et l’Afrique depuis déjà deux longues années, vient de s’abattre sur une nouvelle terre. Anastassia Poliakova, à l’époque jeune écolière, se souvient de cette journée: «je préparais les provisions de confiseries pour la colo de l’été. Et d’un coup, on entend le matin à la radio qu’un message important va être diffusé. J’ai attendu, écouté, et comme je n’ai même pas compris, ou plutôt réalisé, ce qu’il se passait, je suis allée acheter des bonbons. Dans les magasins, il y avait déjà beaucoup de monde. De toute évidence, les gens faisaient des provisions».
A l’heure du journalisme citoyen, les blogs foisonnent de souvenirs des quelques personnes qui gardent intacte la mémoire de cette journée. Des souvenirs qui étonnent par la similitude des faits, comme s’ils provenaient d’un seul et même forum. Des militaires et des civils qui, sans se connaître ni se parler, ont écrit dans leurs cahiers d’époque. Il y parlent des étoiles rouges qui surplombent le Kremlin, du magnifique soleil d’été, de ce fameux message diffusé à la radio.
Et bien que selon le bulletin officiel, l’attaque des troupes nazies aux frontières de l’URSS n’étaient pas une surprise pour les militaires soviétiques, pour Kirill Driannov, spécialiste du musée de la Défense à Moscou, le commandant soviétique n’a appris la nouvelle que quelques heures avant le début de la guerre, et ce, en dépit des rapports émis par les services de renseignements, laissant ainsi à l’armée très peu de temps pour se préparer. Pourtant, les allusions à une invasion imminente ont belle et bien existé. Ne serait-ce que par les diversions, menées par les soldats allemands, qui revêtaient l’uniforme soviétique, coupaient les lignes de communication et tuaient des officiers soviétiques. Dans la nuit du 22 juin, ils firent sauter plusieurs ponts stratégiques et au petit matin, 4 900 avions se mirent à bombarder les aéroports et les dépôts militaires.
Dans un tel cas d’urgence, Joseph Staline était le seul homme à prendre les décisions. Voici comment le maire de Moscou de l’époque et président des Soviets des députés des travailleurs Vassili Pronin raconte la réunion au quartier général: «A environ 9 heures du soir, nous avons été appelés avec le secrétaire, au Kremlin. Lorsque nous sommes entrés dans le cabinet de J.V. Staline, plusieurs membres du Comité Central du parti s’y trouvaient déjà, sombres et fronçant les sourcils. Nous sentions qu’on nous avait appelé pas pour des questions habituelles. Et effectivement, à peine assis, Staline s’est tourné vers nous et a dit: «Selon les déserteurs, les troupes allemandes ont l’intention d’attaquer nos frontières ce soir. Sommes-nous prêts pour une défense aérienne?». Il se tu, puis ajouta: «Aujourd’hui, on est samedi, les dirigeants vont partir à leur datcha, essayez de les retenir en ville...».
Il fallait agir vite, car de l’autre côté, il y avait un homme non moins expert militaire, Adolphe Hitler. Son plan d’attaque sur l’Union soviétique demandait une capture rapide de la partie européenne du pays, en 16 semaines, soit avant les premières gelées d’automne. Sachant que les territoires de l’URSS dépassaient largement ceux de l’Europe. Selon Konstantin Korzhenevski, spécialiste de la seconde guerre mondiale, ces territoires devaient servir de maisons de luxe pour les hauts fonctionnaires nazis. En plus, pas besoin d’embaucher des domestiques. L’idée d’Hitler était que sur les 190 millions de soviétiques, il fallait en exterminer 150 millions, et le reste, en faire des esclaves. Sans oublier que selon Heinrich Himmler, un esclave doit rassembler trois qualités indispensables: savoir compter en allemand jusqu’à 10, savoir écrire son nom et connaître son maître.
Selon Kirill Driannov, «aujourd’hui, on essaie de faire croire aux gens que cette guerre était contre le bolchevisme, mais en réalité, les idéologues nazis, Himmler en tête, soutenaient la théorie des races et déclaraient que cette guerre devait être la dernière campagne à l’Est, censée détruire l’URSS, ultime obstacle de la domination des Allemands sur le monde». Etrangement, cette information ne s’est répandue que parmi les élites dirigeantes. Pourtant, les nazis en ont également fait part à leurs ennemis, c’est-à-dire aux troupes soviétiques. Des millions de tracts largués par les avions appelaient à stopper «l’effusion de sang insensée initiées par les juifs et les rouges», promettant aux soldats qui se rendraient, un «bon accueil», de la nourriture et du travail.
De son côté, l’agence d’information soviétique commence dès les premières heures à diffuser des nouvelles du front. Des hauts-parleurs fixés sur les poteaux reprennent ces informations matin et soir, et elles sont également publiées en première page des journaux. A l’aube, dans tout le pays, les jeunes commencent à être appelés. Dans les rues, les affiches se multiplient «Tous au front! Tous vers la victoire!», «L’ennemi sera vaincu! La victoire sera à nous!». A Moscou, on commence à évacuer les habitants vers la ville de Kouïbyshev (aujourd’hui Samara), qui, au cas où Moscou venait à être prise, se prépare à endosser le rôle de capitale. On y transporte pas seulement les gens, mais aussi les entreprises et les usines.
Les opérations militaires ont rapidement évoluées. Le premier jour, Brest tombait, 6 jours plus tard, c’est au tour de la capitale biélorusse, Minsk. Seul l’automne a fait ralentir l’assaut fulgurant des troupes allemandes arrivant sur Moscou. Au-devant, les combats faisaient rage. Des combats déterminants dans le cours ultérieur de l’histoire de ce pays: la bataille de Moscou et de Leningrad, celle de Stalingrad et de Koursk, la libération de la Biélorussie et la prise de de Berlin. Mais cette histoire a véritablement commencé un 22 juin 1941.
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.