Un front populiste

Crédits photo : reporters-smi.ru

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Un mois s’est écoulé depuis que Vladimir Poutine a annoncé la création de son Front Populaire Panrusse (FPP), soit assez de temps pour examiner les perspectives du projet. Le FPP se forme dans la précipitation car la campagne pour les élections parlementaires commence en automne et les militants doivent être mobilisés derrière Poutine. Mais dans la hâte, les mécanismes d’enrôlement n’ont pas été bien pensés. Initialement, il était prévu de permettre l’adhésion au FPP par le biais d’organisations non gouvernementales. Puis ce système a été remplacé par une simple inscription en ligne, comme si le pouvoir cherchait à capter l’attention par tous les moyens. Mais ses chances sont illusoires.

Prenons la liste électorale de Russie unie [le parti du pouvoir, NDLR]. Un quart des candidats seulement seront des membres du FPP, et il n’est absolument pas garanti qu’ils obtiennent des sièges. Qui plus est, les « frontistes » qui ont le plus de chances d’entrer à la Douma sont ceux qui sont liés depuis longtemps à Russie unie. Ils n’ont donc pas besoin du FPP.

Le problème, c’est que l’inscription à tout-va entraîne le risque de voir des individus capables de discréditer le projet de Poutine infiltrer le Front.

Si la création du FPP n’a pas rencontré une forte opposition, elle ne fait pas non plus l’objet d’une grande notoriété. Un sondage de l’organe « Opinion publique », effectué les 28-29 mai, montre que 62% des Russes n’avaient jamais entendu parler de la nouvelle formation alors que toutes les chaînes télévisées l’avaient présentée en long et en large. Si 17% des répondants se sont dits satisfaits de l’activité du Front, ils sont autant à ne pas l’être, les autres étant indécis. En somme, le FPP intéresse seulement 27% des répondants.

Parallèlement, des initiatives hâtives comparables de l’opposition parlementaire n’inspirent pas davantage la population. Les communistes annoncent une ronflante « Levée en masse », Russie Juste crée SSSR (jeu de mot sur URSS), [le parti nationaliste] LDPR lance un Front National Russe. Mais il s’agit là encore de projets tout aussi démagogiques.

L’unique organisation de ce type qui s’était émancipée de la structure mère, l’Union populaire patriotique de Russie, créée par le Parti communiste dans les années 1990, a fini par être noyautée par le PC. Ce genre de gesticulation ne trompe plus.

Par ailleurs, les liens du FPP avec Russie unie sont au plus haut niveau : outre Poutine, les rôles clés ont été confiés à Viatcheslav Volodine (ancien secrétaire du conseil général du parti) et Andrei Issaïev (secrétaire adjoint du conseil général).

Tandis que les politiciens se démènent, le peuple se tient coi. Mais une telle attitude ne doit pas rassurer ceux qui détiennent le pouvoir. Cette indifférence dissimule une « protestation silencieuse », un manque de confiance dans le système politique, un ras-le-bol face à un excès de communication, et la conviction que rien ne changera vraiment pour le mieux. Tout cela n’influencera pas nécessairement les prochaines élections. Le développement du FPP peut à terme servir la campagne de Russie unie, mais dans l’immédiat, son embryon constituera un véritable problème pour le pouvoir.

Article initialement publié dans l’hebdomadaire en ligne www.ej.ru

Alexei Makarkine est politologue au Centre des Technologies Politiques

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