Titre : Et Le Temps
s’arrêta
Auteur :
Nadejda Teffi
Éditions
De Fallois
Traduit par
Mahaut de Cordon-Prache
Teffi est le pseudonyme de Nadejda Alexandrovna Lokhvitskaïa, figure
centrale de la communauté russe réfugiée à Paris dès les années 20, dont
les nombreux artistes qui la composaient apportèrent dans tous les
domaines de la vie artistique française un incroyable élan, de la
peinture à la littérature, y compris au cinéma.
On dénombre à
l’époque quelque 170 périodiques, dont de nombreuses revues littéraires.
Teffi collabore à plusieurs d’entre elles et est alors l’auteur le plus
lu par la diaspora, la vedette du cercle La Lampe verte animé par
Hippius et Merejkovski, l’amie du futur prix Nobel Ivan Bounine qui la
tient en haute estime. Contrairement à lui, à Nabokov ou à Berberova,
elle ne sera pas traduite en français et ce n’est que dans les années 90
qu’elle sera de nouveau publiée en Russie.
Le recueil paru aux
éditons de Fallois surprendra le lecteur français. Il réunit trente
nouvelles écrites à diverses époques. Qu’elle évoque l’enfance ou la
jeune intelligentsia pétersbourgeoise délurée, Nadejda Teffi exalte son
goût de la liberté presque à chaque page. Une nouvelle est intitulée
« Liberté », non pas « svoboda », la liberté telle qu’on l’entend
communément, mais « volia » l’autre terme des Russes pour dire
« liberté », plus proche de l’idée d’indépendance, d’affranchissement,
incarnée par les milliers de vagabonds en quête d’ailleurs, arpentant
les routes de Russie pour
« aller là où nous portent nos pas, le voilà, le but de l’âme russe ».
Goût du vagabondage, sentiment de symbiose avec la nature, deux traits
constitutifs de l’âme russe réunis dans le sentiment de liberté. La
Russie est évoquée sans nostalgie, sauf peut-être en deux circonstances :
« Retourner juste un peu en Russie... dans la forêt... respirer la liberté, la vraie de vraie, à pleins poumons »
et plus loin :
« Il y eut des pèlerins jusqu’au dernier jour en Russie »
.
De ce dernier jour, de ce qui a suivi, Teffi ne dit rien. Elle ne
s’intéresse pas à l’Histoire avec un grand H, et préfère chercher sa
vérité sur cette frontière ténue entre le rêve et la vie, entre le réel
et le merveilleux cher aux Russes et aux enfants :
« La vérité vraie est celle que nous avons vue, petites filles malades, dans le miroir »
. On ne s’étonnera pas que bon nombre de ses héros soient des enfants,
capables de percevoir, au delà de la réalité qui nous est donnée à voir
et de sa chronologie, l’essence même de la vie.
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