Yandex a été fondée en 1993 et le moteur de recherche proprement dit en 1997. L'essentiel des revenus du groupe proviennent de la publicité. La société vient d'ailleurs de relever ses tarifs de 30% cette année. Photo : Itar-Tass.
Yandex prouve que l'économie russe n'est pas qu'une histoire de pétrole et de gaz. Ni les risques politiques, ni la concurrence de Google n'ont eu raison de l'appétit des investisseurs.
Ce fut la ruée. Les investisseurs ont demandé dix fois plus d'actions
que Yandex n'en proposait. Résultat, le « Google russe » a relevé ses prix
au dernier moment et est parvenu le 24 mai à lever 1,3 milliards de
dollars sur le Nasdaq de New York.
La franchise de Yandex a payé, car
dans son prospectus de 2.000 pages destiné aux investisseurs
potentiels, le groupe n'a pas caché encourrir des risques politiques,
dont celui d'une OPA par des oligarques proches du pouvoir.
« Les entreprises russes de haut niveau comme la nôtre sont particulièrement vulnérables aux manoeuvres politiciennes »
, précise Yandex. Il existe toujours le risque que quelqu'un interprête le traitement de l'actualité comme
« politiquement biaisé, ce qui pourrait entraîner des représailles »
, poursuit le prospectus.
Yandex affirme concentrer 64% du trafic de recherche en Russie, contre
22% pour Google, et constitue la plus grande entreprise Internet basée
en Russie en termes de recettes. Ce qui place le groupe au sommet d'un
secteur très porteur. Les dépenses de publicité surfent sur
l'accélération de la reprise économique.
Quoi qu'il en soit, le prix reste nettement en dessous de ceux des
moteurs de recherche d'autres marchés émergents, ce qui est lié en au
risque découlant d'investissements dans une entreprise
de ce type.
Selon la loi russe, tous les fournisseurs de services Internet doivent
permettre au FSB, le Service russe sécurité, de fixer sur leurs serveurs
une « boîte noire » capable de surveiller le trafic e-mail. En avril, le
FSB a fait monter la pression, en demandant l'interdiction de Skype et
de Gmail, arguant prétexte qu'ils constituaient une grave menace pour la
sécurité.
Le président Dmitri Medvedev, réputé pour ses affinités avec le Web, a
rejeté la demande, mais la discussion met en relief les relations
complexes entre l'
É
tat et l'autoroute de l'information. Figure de l'opposition, Boris Nemtsov a affirmé dans une interview que l'
É
tat fait pression sur les fournisseur d'accès à Internet pour qu'ils bloquent les sites d'opposition.
Les
choses ont pris une mauvaise tournure début mai, quand Yandex a annoncé
que le FSB l'avait contraint à fournir des détails concernant les
utilisateurs de Yandex.Dengi, son système de transfert d'argent.
Concrètement, le FSB réclamait des informations sur les contributeurs
financiers du célèbre militant anti-corruption Alexeï Navalny. Une
semaine plus tard, le Comité d'enquête de Russie, le plus haut organisme
d'enquête du pays, a ouvert une instruction sur Navalny, le soupçonnant
d'avoir utilisé sa position en tant que conseiller d'un gouverneur
régional pour forcer une entreprise de scierie à conclure un accord
défavorable.
Avides de se lancer sur un Internet russe à forte
croissance, les investisseurs attendaient depuis trois ans que Yandex
mette en vente ses fonds propres. Cependant, ils souhaitent un rabais en
raison du risque lié à la Russie, plusieurs compagnies ayant été
forcées d'annuler leurs IPO sur les marchés internationaux cette année.
« Le risque politique lié à Yandex est déjà intégré via la réduction
russe plus générale, que nous comptabilisons à hauteur de 37% de
l'ensemble du [marché émergent] »,
estime le stratège d'Otkritie Financial, Tom Mundy. Alexander Vengranovich, analyste chez Otkritie, abonde dans ce sens.
« Les investisseurs avec lesquels nous avons parlé n'attachent pas
beaucoup d'attention aux histoires de risque politique. Ils sont plutôt
intéressés par la croissance de Yandex. Les parts de Yandex rattrapent
celles de Mail.ru. En novembre, ce dernier à enregistré le seul résultat
vraiment impressionnant d'une IPO russe au cours des trois dernières
années. Tous deux offrent une exposition au segment russe d'Internet,
qui devrait afficher une croissance rapide et soutenue ».
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