Image de Niyaz Karim
Le Kremlin a inauguré mardi une nouvelle rubrique sur son site web, qui donne aux enfants une leçon interactive sur le rôle politique de l’opposition.
Mais les analystes et les auteurs même de cette leçon interactive estiment que l’information ne colle pas à la réalité, dans laquelle les autorités ne montrent que peu de tolérance envers les dissidents politiques.
« Dans une société démocratique saine, ceux qui ne sont pas d’accord avec les politiques d’État aident les autorités, ils ne les freinent pas », peut-on lire dans la rubrique Qu’est-ce que l’opposition et pourquoi en avons-nous besoin ? de Kids.kremlin.ru.
En quelques clics, on apprend que les dissidents, entre autres, « cherchent les erreurs commises par les autorités, ce qui est une bonne chose. Laissons-les chercher. C’est cela qui permet aux autorités de percevoir leur responsabilité par rapport aux citoyens. »
Les informations pédagogiques sont divisées en petites histoires illustrées par des personnages animés allant d’un pirate avec un œil bandé à un présentateur de journal télévisé au sourire malicieux. Le site est destiné aux enfants de 10 à 12 ans.
L’histoire de « l’opposition », comme le reste du contenu du site Kids.kremlin.ru, a été conçue par Grigori Oster, écrivain de renom de la littérature enfantine, qui a avoué que cela ne correspondait pas exactement à la réalité en Russie, où les manifestations de l’opposition sont dispersées par la police et où les partis politiques ne peuvent s’enregistrer pour les élections, quand ils n’en sont pas écartés.
« Nous disons aux enfants combien nous vivons en conformité avec la constitution. Si les adultes estiment que ce n’est pas la façon dont on vit réellement, cela doit être pour eux une raison d’y réfléchir », a déclaré mardi M. Oster, dans une interview diffusée sur la Business FM.
Selon le dessinateur, c’est lui-même qui a en premier soumis l’idée au président Medvedev, qui a chaleureusement approuvé.
Le site Kids.kremlin.ru a été lancé en 2004. Aucune donnée récente sur la fréquentation n’est disponible, mais les administrateurs du site ont fait savoir qu’en 2008, quelque 2,2 millions de personnes avaient visité le site depuis son ouverture.
« Le Kremlin essaie de s’attirer les sympathies de l’opposition » avec ce nouveau projet, a affirmé au téléphone Edouard Limonov, l’un des leaders de l’opposition.
D’après Anton Nosik, le père de l’Internet russe, le site suit un cheminement idéologique tracé par le président, « qui a dit que ‘la liberté valait mieux que l’absence de liberté’, et qui apprécie de donner des interviews aux médias libéraux ».
Mais les enfants, tout comme leurs parents, « n’apprendront rien sur la liberté grâce au gouvernement, ils apprendront de la vraie vie, quand la police arrêtera de harceler les gens lors des manifestations de l’opposition », poursuit M. Nosik.
De son côté, le site officiel du premier ministre a introduit lundi une rubrique pour le nouveau groupe public de Vladimir Poutine, le Front Populaire panrusse, même si ce groupe n’a aucun lien avec le travail de Vladimir Poutine en tant que premier ministre.
Dmitri Peskov, porte-parole du chef du gouvernement russe, ne voit rien de mal dans cette nouvelle rubrique. « Il n’y a pas là de contradictions car il ne s’agit pas du site du gouvernement mais du propre site de M. Poutine », a-t-il précisé au téléphone.
M. Peskov n’a pas souhaité commenter le fait que ce site, Premier.gov.ru, soit enregistré sur un domaine réservé aux entités gouvernementales exclusivement.
Article paru initialement dans The Moscow Times.
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