25% des Russes préféreraient que ni Poutine, ni Medvedev, ne soit candidat au scrutin de 2012. Image de Dmitri Divin.
Les analystes politiques de Russie et du monde entier s’interrogent : qui sera donc le locataire du Kremlin en 2012, pour six ans contre quatre actuellement (en raison d’ un amendement à la Constitution, adopté au tout début de la présidence de Dmitri Medvedev et portant le mandat présidentiel à six ans, et à cinq ans pour les députés de la Douma) ? Les membres du tandem dirigeant semblent tout faire pour maintenir le suspense à son paroxysme.
Les observateurs politiques continuent de s’enflammer, et ne tarissent pas de commentaires sur les divergences supposées entre Poutine et Medvedev. Les deux hommes se sont retrouvés dans une situation complexe, découlant des particularités de la politique russe. Quand un président sortant ne se représente pas, il se produit une vacance qui n’a rien à voir avec la situation américaine. Ce n’est pas un « canard boiteux » ( lame duck ), c’est un cheval mort, dont le cadavre est piétiné. La politique russe est traditionnellement centrée sur le premier personnage de l’État (ou, dans le cas présent, sur les deux premiers personnages). L’ensemble de la bureaucratie s’articule non pas autour des institutions, des lois et des règles écrites, mais avant tout autour du Chef, de son style, de ses désirs, ses habitudes, ses caprices, ses points forts et faibles. Dès que le Chef part ou laisse entendre qu’il part, il cesse d’exister.
Ainsi, si Medvedev déclare aujourd’hui qu’il ne se présentera pas, cela signifiera en pratique que la Russie se retrouvera sans président à un an du scrutin. Si c’est Poutine qui annonce qu’il quitte la politique, cela provoquera une situation dans laquelle toute la machine hiérarchique gouvernementale, déjà peu efficace, cessera complètement de fonctionner. Une machine, qui plus est, bâtie selon les principes d’une stricte centralisation.
Poutine et Medvedev ne le comprennent que trop bien, et ne souhaitent visiblement pas prendre un tel risque. Sans oublier qu’ils ont tous deux des ambitions politiques et des visées personnelles sur le siège présidentiel.
Une autre question, moins évidente, serait de savoir quelle conception les membres du tandem avaient de cette situation quand ils l’ont créée en 2008. Comment Poutine avait-il prévu les événements ? Medvedev, « gardant au chaud » le siège présidentiel, devait-il quitter volontairement le pouvoir, en laissant entendre qu’il ne prétendait pas à un deuxième mandat ? Ce n’est pas un hasard si, au début de la présidence de Medvedev, des rumeurs laissaient entendre qu’il devait renoncer au pouvoir avant terme, afin d’éviter la perpétration d’un « président impuissant ». Mais pourquoi Poutine discréditerait-il la présidence, qu’il avait lui-même consciencieusement renforcée et à laquelle, selon l’hypothèse énoncée plus haut, il comptait revenir ? Poutine n’imaginait-il pas qu’en conservant si longtemps le fauteuil de Premier ministre et, constatant que Medvedev s’acquittait de ses fonctions et des engagements pris, il risquait de se retrouver sur le bas-côté bien avant 2012 ? Une telle hypothèse rend toutefois incompréhensible cette forme d’« exil » pour un homme politique encore relativement jeune.
Il se peut que le scénario de la « tandemocratie » et la façon d’en sortir en 2012 n’aient pas été pensés en détail en 2008. Il se peut que les circonstances aient entraîné des ajustements imprévus du programme. On ignore par exemple si les deux hommes ont pris en compte un facteur crucial de la politique moderne au sein d’un monde changeant : la lassitude de l’électorat face à un pouvoir qui s’éternise. La mentalité moderne privilégie l’évolution permanente. Selon certains sondages, 25% des Russes préféreraient que ni Poutine, ni Medvedev, ne figure dans la liste des candidats au scrutin présidentiel de 2012.
Le problème ne réside pas tant dans l’identité des candidats que dans leur message. La priorité du message permettrait de stabiliser le pays, actuellement en proie à de grandes difficultés en raison de la crise mondiale et de la stagnation du programme de modernisation.
Une campagne opposant Poutine et Medvedev, centrée sur les principaux points de divergence les séparant, permettrait au pays de maintenir le cap sur son développement, et de conserver intact son système politique.
Georgy Bovt est un commentateur politique basé à Moscou.
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