Crédits photo : Maria Tchobanov
Cinq bulbes dorés et une vague en verre, au beau milieu d’un grand jardin : c’est, en résumé, le visage de l’important centre orthodoxe qui devrait bientôt voir le jour en plein cœur de Paris. Après plusieurs mois d’attente, la nomination du cabinet d’architecture a eu lieu jeudi dernier.
Les Parisiens de l’agence Sade et les Moscovites d’Arch Group ont été retenus, sans grande surprise. « C’est un beau projet qui concilie avec brio tradition et modernité », ont estimé lors de la conférence de presse les membres du jury, qui réunissait quinze personnalités russes ou françaises.
Magistralement situé, à l’angle de l’avenue Rapp et du quai Branly, à la place de l’ancien bâtiment de Météo France, le lieu s’étendra sur plus de 4000 m2 et comprendra non seulement une église mais aussi un centre culturel.
Pour les architectes, le défi est de taille. Accorder à la communauté un espace de recueillement tout en offrant aux habitants un bâtiment intégré dans le paysage, à quelques pas du musée Branly et de la tour Eiffel. Au sein de la communauté orthodoxe, le projet de bâtiment aux lignes contemporaines ne fait pourtant pas l’unanimité. En cause notamment, la vague en verre intégrée au complexe.
Cyril Semenoff-Tian-Chansky, historien de l’art : « La construction d’une église reste très libre. Regardez par exemple Saint-Basile-le-bienheureux à Moscou ou les églises anciennes de Nijni-Novgorod : elles ont un style très différent. Néanmoins une constante demeure depuis le IVème siècle, c’est la lisibilité des volumes. On doit voir les quatre côtés du bâtiment, les croix et les coupoles. Pourquoi ? Parce qu’une église est une élévation vers le ciel et les volumes sont en eux-mêmes des symboles. »
« Certes le projet choisi a évolué et tenu compte des critiques mais cette vague en verre contredit des notions élémentaires. Elle créée un espace intermédiaire entre l’extérieur et le sacré et affaiblit les bulbes qui symbolisent la prière s’élevant telle une flamme. Ici, c’est comme si la vague venait éteindre cette flamme. Ainsi l’église perd sa visibilité mais aussi son sens. »
Devant la critique, Manuel Nunez Yanowsky, architecte de l’agence Sade, défend : « Ce voile en verre fait l’union entre le spirituel et les bâtiments fonctionnels : l’administratif, la résidence et les lieux culturels. C’est un voile porteur de haute technologie et de modernité, avec du solaire, des éclairages, la possibilité de faire des projections ou de se rafraîchir en été. »
« Construire un temple d’une autre culture – que ce soit une synagogue, une mosquée ou une église orthodoxe - c’est comme poser une soucoupe volante au milieu de Paris, a poursuivi M. Yanowsky. Avec le centre orthodoxe, nous devions concevoir une rencontre entre modernité et tradition (...) Nous avons donc pensé à un projet simple, élancé avec de la pierre blanche, épuré et élégant à la fois. Nous avons imaginé tout cela dans un grand jardin, romantique, à la Giverny. Il donnera un cadre spécifique et enveloppera le lieu. De l’autre côté, les Parisiens pourront profiter d’un nouvel espace vert. »
Contemporain, le dessin du cabinet paraît moins audacieux que certains de ses concurrents. Il semble un bon compromis entre les partis concernés, l’état français et russe, la ville de Paris et l’église orthodoxe. Pour beaucoup, il était d’ailleurs gagné d’avance. Négociée par Nicolas Sarkozy et Dimitri Medvedev en personne, l’installation du centre russe reste un sujet hautement politique et financier.
Pour Cyril Semenoff-Tian-Chansky, pas de doute : « L'Elysée et la Mairie avaient fait pression pour que les croix se voient le moins possible, mais la Russie a finalement obtenu qu'elles aient une visibilité normale. » Vrai ou faux, une chose est sûre : avec ses bulbes scintillants, le centre orthodoxe va éclairer le ciel parisien. Les travaux - estimés à environ 35 millions d’euros - devraient débuter en 2012, et ils serontfinancés par la Russie et l’église orthodoxe.
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