Le prix des pots de vin

Crédits photo : Photoxpress

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L'administration présidentielle a élaboré un plan pour lutter contre la corruption

L'administration présidentielle a préparé un nouveau package de lois anticorruption, a fait savoir au journal Vedomosti un fonctionnaire proche du Conseil contre la corruption.

On est en train de mettre en place un nouveau type de peines pour punir des faits de corruption : des amendes, proportionnelles au pot de vin ; la définition d’un nouveau type de corrompu : le fonctionnaire d'une organisation publique internationale ; un nouveau type d'infraction : la médiation dans l'obtention de pots de vin ; et enfin, une nouvelle façon de lutter contre la corruption des personnalités juridiques : l’élaboration d’enquêtes par les services russes à l'étranger.Dans sa dernière allocution, Dmitri Medvedev avait ordonné l’augmentation des amendes pour corruption et des peines pour les intermédiaires. 

Une amende proportionnelle sera imposée selon quatre articles du code pénal, concernant la corruption commerciale et l’obtention de pots de vin. Conformément à l'article 204 (corruption commerciale) pour le transfert à un décideur d'argent, de titres ou d’autres éléments de rémunération illégale, l'amende sera égale au montant du pot de vin, multiplié de 10 à 50 fois, et le décideur impliqué devra lui-même verser 15 à 70 fois la somme perçue.

Les fonctionnaires russes ayant touché des pots de vin (article 290) devront payer 60 à 80 fois la somme, et ne pourront exercer leur fonction pendant une durée de trois ans, ou bien, selon le cas, ils devront s'acquitter d'une amende égale à 50 fois la somme perçue et risqueront une peine d'emprisonnement de cinq à dix ans. Les corrupteurs (article 291) devront payer 15 à 60 fois la somme initialement versée. Pour la corruption à grande échelle (plus d'un million de roubles, 25.000 euros), l'amende équivaudra à 80 à 100 fois le pot de vin versé ou 70 fois et une peine d'emprisonnement de 8 à 15 ans. L'amende proportionnelle ne peut dépasser 300 millions de roubles (7,45 millions d'euros). 

« Les hommes d'affaires dénonçant une tentative de corruption ou les intermédiaires qui aideront à la résolution de crimes pourront être exemptés de poursuites  »

Tous, au sein du conseil présidentiel, ne partagent pas le même avis sur les amendes, d'après une source proche de l'administration présidentielle. Certains estiment qu'il s'agit en soi d'une mesure efficace, quand d'autres pensent qu'elle ne doit être utilisée que combinée à une peine d'emprisonnement. Le Conseil de l'Europe (le Groupement des États contre la corruption (Greco), qui supervise la lutte contre la corruption en Russie) adhère à la seconde version. Le Greco estime qu'il ne serait pas juste de pouvoir écoper d'une peine longue ou d'échapper au choix à l'emprisonnement pour une même infraction : cela permettrait aux concussionnaires d'échapper aux poursuites. 

Pour Victoria Bourkovskaïa, de Egorov, Pouguinski, Afanassiev et partenaires, ce n'est pas tant le montant de l'amende qui pose question, que le caractère infaillible de la peine. « Il me semble qu’aucune poursuite administrative n’a été engagée contre certaines entreprises suspectes, malgré une série de scandales liés à la corruption, comme l’affaire Daimler, par exemple ».

Une nouvelle infraction a été introduite dans le code pénal : la médiation (article 291). Sera puni non  seulement le transfert d'un pot de vin sur demande du corrupteur ou du corrompu, mais aussi le fait d’ aider les parties à trouver un accord et à recevoir des pots de vin. L'intermédiaire sera menacé soit d'une amende équivalant à 20 à 90 fois la somme, soit d'une interdiction d'exercer certaines fonctions, soit d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à sept ans, assortie d'une amende.

Les hommes d'affaires dénonçant une tentative de corruption ou les intermédiaires qui aideront à la résolution de crimes pourront être exemptés de poursuites.

Le nouvel article ne va pas résoudre tous les problèmes, souligne Mme Bourkovskaïa, l'obtention des pots de vin est aujourd'hui souvent qualifiée de supercherie. Ceux qui ont le plus de pouvoir ne sont pas forcément tenus par l’argent.  

Mais dorénavant, ces personnages pourront être accusés de complicité, estime-t-elle, si l'on prouve qu’ils ont un lien avec des corrupteurs/des corrompus.. Tout réside en bas de l'échelle de l'instruction en cours.

Le projet présidentiel introduit enfin un nouveau type de corrompus : les fonctionnaires étrangers et d'organisations internationales. Il peut s’agir de n'importe quelle personne nommée ou élue pour un mandat législatif, exécutif, administratif ou d'un organe judiciaire d'un État étranger, ou encore toute personne remplissant une mission de service public pour un État, ses agences ou pour des entreprises publiques étrangères, ainsi que tout employé ou mandataire d'une organisation internationale. Les peines prévues sont légèrement plus légères pour eux que pour les fonctionnaires russes.

Il est question aussi de poursuites pour corruption dans des pays tiers : si un homme d'affaire russe soudoie un employé des Nations Unies ou un fonctionnaire en Angola, en échange d'une commande avantageuse, il sera puni en Russie, explique la directrice de Transparency International Russia, Elena Panfilova. L'introduction d'une telle responsabilité est la condition nécessaire pour rallier la Convention de l'OCDE contre la corruption.  

La responsabilité administrative pour transfert ou offre de paiements illégaux à une personne morale sera durcie, avec des amendes allant jusqu'à 100 fois la somme proposée. Cette infraction est aujourd'hui punie d'une amende allant jusqu'à trois fois le montant du pot de vin, mais inférieure à un million de roubles (25.000 euros). L'introduction de l'institut d'aide juridique en cas d'infraction administrative permettra d'enquêter sur les cas de corruption du côté des entreprises russes à l'étranger.

Le procureur général, la Cour suprême et la haute cour d'arbitrage, ainsi que le ministère de la Justice, le ministère de l'intérieur, le FSB et le Service fédéral russe de contrôle des Stupéfiants pourront interroger leurs collègues étrangers indépendamment. Les départements seront en mesure de demander des informations sur les données personnelles et des renseignements sur les résidences des personnes les intéressant, des documents et d'autres éléments de preuve, des renseignements sur les circonstances réelles de l'infraction, et pourront même convoquer des témoins ou des victimes en Russie (qui se verront garantir l'immunité). De son côté, la Russie devra satisfaire les mêmes demandes de la part d'autres États.

À ce jour, les accords internationaux de la Russie n'envisagent pas d'aide judiciaire en cas d'infraction administrative, explique Ilia Ratchkov, partenaire de la compagnie juridique Nerr, mais la Russie peut traiter ces questions sur la base de la réciprocité, c'est la norme en droit international.

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