Girts Valdis Kristovskis, nouveau chef de la diplomatie lettone. DR
Peut-on soigner les Russes comme les Lettons ? Pour Girts Valdis Kristovskis, nouveau chef de la diplomatie lettone, la réponse est non. C'est du moins ce qui ressort de sa correspondance privée avec un médecin, qui a fini sur internet. Dérapage qualifié de « provocation » par le ministre, qui s'est toutefois dit favorable à des relations de « bon voisinage » avec la Russie. Si elle n'a pas dégénéré en conflit diplomatique avec Moscou, qui déplorait toutefois « des propos laissant un arrière-goût amer », l'anecdote a déjà engendré une crise politique, l'opposition ayant exigé la démission du ministre.
Elle témoigne surtout du niveau de crispation qui règne dans cette petite république des pays baltes de 2,3 millions habitants dont 44% de russophones, parmi lesquels on dénombre environ 335.000 d'apatrides d'origine russe. L’Estonie, avec 1,4 millions d’habitants dont près du tiers sont russophones et 160.000 apatrides, n'échappe pas à cette problématique héritée du démantèlement de l'URSS. Le poids politique croissant des russophones, particulièrement palpable en Lettonie, s'est traduit par l'arrivée du parti Centre de l'harmonie, chargé de défendre leurs intérêts, en deuxième position des élections législatives d'octobre dernier. Une nouvelle onde de choc, après qu'un candidat du parti, Nil Ouchakov, était devenu le premier maire russophone de la capitale, Riga.
Face à cette situation, les crispations se multiplient. Le 8 novembre, un ancien SS, Visvaldis Lācis, a pris la tête de la commission du parlement de Lettonie chargée du respect de la loi pour la citoyenneté dans le pays. Un symbole d'un goût douteux pour les 10% de la population qui n'ont pas de citoyenneté, la loi ne l'octroyant qu'aux habitants dont les ancêtres vivaient dans le pays avant son intégration à l'URSS en 1940.
L'histoire en otage
Désireux de renforcer leur jeune identité nationale, les pays baltes ressentent avec un mélange de crispation et d'inquiétude le poids politique croissant des russophones, qui ont notamment élu des députés européens afin de se faire entendre. Loin d'alléger les tensions, la diplomatie russe n'hésite pas à instrumentaliser ce dossier, en appelant régulièrement l'Union européenne à s'atteler à ce problème. « L'existence - au cœur de l'Europe civilisée - d'un groupe de pays dont un grand nombre d'habitants sont déclarés non-citoyens est une anomalie », avait insisté le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov en février 2010.
Depuis la chute de l'Union soviétique, les relations entre Moscou et les républiques baltes sont pour le moins tendues. Devenus membres de l'OTAN et de l'UE, les trois pays ont engagé plusieurs joutes autour des symboles soviétiques ces dernières années. La tension avait culminé en 2007, quand les autorités estoniennes annonçaient leur volonté de déplacer hors du centre-ville la statue du soldat soviétique de Tallinn, provoquant des émeutes qui avaient fait un mort. Plus dérangeant, les autorités lettones affichent une certaine tolérance envers les défilés d'anciens SS dans le centre de Riga. L'Union européenne garde un silence gênant, tandis que la Russie charge régulièrement à l'ONU en soumettant des projets « condamnant la glorification du nazisme, y compris des anciens membres de la Waffen SS, ainsi que la profanation des monuments dédiés aux combattants antifascistes », avec en ligne de mire ses voisins baltes.
L'économie en question
Au-delà des symboles, les joutes russo-baltes ont des conséquences très concrètes dans le domaine économique. La Russie a notamment lancé une politique visant à réduire au maximum sa dépendance vis-à-vis de ses anciens satellites, en choisissant notamment de développer les ports russes de la Baltique au détriment de leurs homologues baltes. Un coup dur pour de petites économies jouant un rôle de maillon de transit dans les échanges entre la Russie et l'UE.
Autrefois intégrées au circuit commercial de l'URSS, les républiques baltes ont dû s'adapter rapidement à un nouvel espace, en privilégiant les échanges avec l'UE. La rupture avec le voisin russe a poussé les trois pays à miser sur la globalisation financière à corps perdu, avec toutes les dérives que celle-ci supposait. La crise mondiale a toutefois mis à nu les fragilités des anciens « tigres baltes » ainsi que les limites de la solidarité européenne, en ramenant les économies d'une dynamique de spéculation effrénée à plus de sobriété. Le risque d'une fragmentation politique de la Lettonie sur des lignes ethniques pourrait compliquer un peu plus le rétablissement d'un pays dont l'économie a connu la plus forte récession de l'Union européenne.
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