Crédits photo : AFP
Une semaine après que le président américain Barak Obama eut annoncé son soutien à l’Inde qui revendique un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, les ministres des Affaires étrangères de la Russie, de l’Inde et de la Chine (RIC) se sont réunis à Wuhan en Chine, les 14 et 15 novembre. Les réformes de l’ONU faisaient partie des questions internationales les plus pressantes abordées par S.M. Krishna (Inde), Yang Jiechi (Chine) et Sergei Lavrov (Russie). Mais New Delhi est resté sur sa faim : la rencontre s’est clôturée par un communiqué conjoint en faveur des réformes mais n’allant pas au-delà d’une « appréciation positive du rôle joué par l’Inde dans les affaires internationales » .
La Russie a fortement appuyé la candidature indienne à un siège permanent, mais la Chine a refusé de clarifier sa position, mettant ainsi en évidence une compétition d’ambitions et de projets entre les deux membres pourvus du droit de véto au Conseil de sécurité - Chine et Russie - et le pays qui aspire à les rejoindre à la grande table.
Ces dissonances sur les questions décisives versent de l’eau au moulin des sceptiques qui considèrent que la RIC n’est qu’un club de parlote de plus. Cette conclusion est pourtant erronée. Ce qui compte ici, c’est l’importance croissante de la consultation au sein du trio des puissances émergentes qui détiennent les clés de l’ordre changeant du XXIe siècle.
De façon significative, la dixième rencontre trilatérale à Wuhan s’est tenue une semaine après que l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) eut approuvé l’admission des États-Unis et de la Russie au sommet de l’Asie orientale. Au lendemain aussi d’une rencontre entre les dirigeants indiens et chinois à Hanoï, dans un contexte tendu.
Pour conclure, la triade a réitéré son appel à un ordre mondial multipolaire, tout en insistant, dans le même mouvement, qu’ « aucun pays tiers » n’était visé (un euphémisme pour les États-Unis).
L’Inde, la Russie et la Chine ont manifesté des inquiétudes communes à propos de l’Afghanistan, mais leur coopération sur ce point n’a pas avancé. La triade a résolu d’intensifier la coopération antiterroriste mais il semble que Pékin ait bloqué la proposition indienne d’inclure une référence à l’élimination des « refuges » pour les terroristes, allusion au Pakistan pour son rôle en Afghanistan.
Ces différences d’approche et de point de vue des trois puissances émergentes sont naturelles, et c’est exactement pour cela que l’idée de cette triade avait été proposée il y a plus de dix ans par le Premier ministre russe Evgueny Primakov, afin de contrebalancer l’hégémonie de Washington.
La triade encourage aussi l’approfondissement de la coopération dans des domaines divers : agriculture, santé, changements climatiques, catastrophes naturelles et problèmes économiques mondiaux, qui peuvent transformer la vie des populations. La proposition de relier les centres d’innovation des trois grandes économies (Bangalore et Skolkovo par exemple), noyau de la croissance mondiale, est l’une de ces idées qui mêle l’ambition d’une renaissance nationale partagée par les trois pays à leur désir collectif d’avoir plus de poids dans les questions internationales.
Trois, c’est peut-être un de trop, mais dans ce cas-ci, le trio n’a d’autre choix que de gérer ses divergences car chacun des trois pays a plus d’intérêts que de désavantages dans les progrès réalisés par les deux autres. Alors que l’idée d’un G2 est une chimère et tandis que la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU reste une perspective à long terme, le RIC représente un microcosme d’une ère asiatique en gestation qui accentue la nécessité de renforcer la confiance entre les trois piliers d’un monde multipolaire.
Manish Chand, basé à New Delhi, est un rédacteur du Service de presse indo-asiatique
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