De BRIC en BRIC : atouts russes

Crédits photo :  RG

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Les chefs d’États du club BRIC se retrouvent une fois par an pour un sommet réservé au quatre grands pays émergents

Pas l’ombre d’un doute: parmi les pays du fameux groupe BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), c’est la Chine, avec sa population et ses taux de croissance à deux chiffres, qui tient le rôle de locomotive. Elle a toujours été le favori du groupe, tandis que la Russie fait figure de canard boiteux. Mais les investisseurs ont peut-être jugé trop vite.

La plupart des comparaisons au sein du BRIC sont réalisées sous l’angle macro-économique, où le gigantisme de la Chine (et de l’Inde) submerge les autres. Le taux de croissance chinois, de 9-10%, est brandi comme un miracle, mais on parle peu de la qualité de la croissance et de ses causes : si la Chine se développe aussi rapidement, c’est qu’elle en est au début de son processus de convergence, tandis que la Russie va plus lentement car elle est déjà à mi-parcours.

D’où la question primordiale : vaut-il mieux faire des affaires dans un pays au premier stade de sa croissance ou dans une économie plus mature ?

Espérance de vie

La population russe est dix fois inférieure à celle de la Chine, mais reste la plus riche de tous les pays du groupe BRIC. Grâce à une décennie de forte croissance économique, en Russie, le revenu par habitant (ajusté au pouvoir d’achat) est d’environ 12 000 euros contre 8 200 au Brésil, 5 400 en Chine et 2 500 en Inde, selon les données de l’ONU. « La Russie est une économie à revenus moyens, tandis que les autres pays du BRIC ont des revenus faibles. Le niveau d’éducation est meilleur en Russie, les consommateurs sont plus aisés et la criminalité est plus faible » , dit Kingsmill Bond, stratège à la banque d’investissement Troika Dialog, qui précise que « nombre des craintes concernant le marché russe sont des préjugés tenaces qui n’ont pas de pertinence pour les investisseurs » .

Ces préjugés pèsent lourdement sur la valorisation des actions russes, extraordinairement basses par rapport à leurs pairs du BRIC, avec des ratios capitalisation/bénéfices de seulement 6 fois les bénéfices, contre 16 fois en Chine, 10 au Brésil et 17 en Inde. Quelle que soit la technique d’évaluation, les actions russes figurent parmi les moins chères du monde. « La Russie est encore stigmatisée comme le maillon faible du groupe BRIC, et les investisseurs préfèrent les autres économies, plus orientées vers le marché » , explique Nigel Rendell, stratège chez RBC Capital Markets. Pour Allan Conway, chargé des marchés émergents chez Schroders à Londres, les actions russes sont très sous-évaluées car les investisseurs surévaluent les risques par rapport aux fondements économiques du pays. La croissance est robuste, l’inflation maîtrisée, les réserves de devises étrangères sont immenses, et la Russie recèle les plus grosses ressources énergétiques au monde.



Il est vrai que le Kremlin néglige l’image de la Russie en tant que facteur de valorisation des titres russes et d’investissements étrangers. Sans parler des problèmes de gouvernance d’entreprise. « Même si une prime de risque se justifie, une réduction de 50% par rapport aux autres marchés émergents, c’est trop », conclut Conway.

À l’inverse, les secteurs s’adressant à la classe moyenne russe bourgeonnante, allant des télécommunications à la banque, sont estimés à des prix tout à fait compétitifs par rapport aux autres marchés émergents. La Russie a son lot de problèmes, sans pour autant justifier la retenue de bien des investisseurs.

L’espérance de vie en Russie est inférieure à celle du Brésil ou de la Chine, réduite par l’abus d’alcool et de drogue, surtout parmi les hommes. La démographie russe, en panne, décline tandis qu’elle augmente dans les autres pays du BRIC.

Mais moins de monde signifie aussi moins de compétition pour des ressources rares. En Chine ou en Inde, surpeuplées, le manque d’eau potable et la nécessité d’importer les combustibles fossiles pourraient alimenter l’instabilité sociale. « La démographie est une question à double tranchant. Il y a plus de risques de troubles sociaux au sein d’une population en croissance rapide qui se dispute des ressources limitées » , dit Bond.

La corruption est certainement le principal problème sur lequel insistent régulièrement les experts. Mais tous les marchés émergents souffrent d’une corruption chronique. Le problème posé par la corruption en Russie, c’est qu’elle est souvent destructive, contrairement à la Chine, où les fonctionnaires se servent sur les gros contrats sans pour autant bloquer le passage aux entrepreneurs.

Arthur Kroeber, directeur du cabinet-conseil pékinois Dragonomics, explique que la corruption en Chine, même envahissante, a toujours été constructive plutôt que kleptocratique. Les hauts fonctionnaires exigent 10-15% des transactions réussies. « Les intérêts des fonctionnaires sont alignés sur ceux des entrepreneurs. Je n’y vois pas d’obstacle à la croissance, comme en Russie ou en Afrique » , dit le consultant.

Le désir de réforme et de modernisation du Kremlin pourrait améliorer la situation. Et pendant ce temps, c’est le consommateur russe qui détient la clé de la croissance.

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