L'Occident plus proche encore

Crédits photo : RIA Novosti

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Lors de sa rencontre mardi 19 octobre avec le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel à Deauville, le président russe Dmitri Medvedev a accepté de participer au sommet Russie-OTAN qui aura lieu en novembre à Lisbonne et a fait part du changement radical de position de Moscou sur les discussions avec l'Union européenne (UE) concernant la suppression des visas. Les deux mesures s'inscrivent dans les nouvelles orientations de politique étrangère annoncées durant l'été par le président russe, et selon lesquelles l'Occident doit devenir le principal partenaire de la Russie.

Les chefs d'État russe, allemand et français, toujours prompts à souligner leur sympathie particulière les uns envers les autres, ne s'étaient pas réunis à trois depuis 2005. Peut-être est-ce pour cela qu'ils ont choisi d'accorder deux jours au sommet de Deauville. D'après les informations de Kommersant, un autre partenaire, grand ami de Moscou, aurait vivement souhaité participer à la rencontre tripartite entre Dmitri Medvedev, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, c'est le premier ministre italien Silvio Berlusconi. Les trois pays ont dû déployer des prodiges d'ingéniosité diplomatique pour l'en dissuader sans le vexer.

Les présidents Medvedev et Sarkozy ainsi que la chancelière Merkel sont entrés dans le vif du sujet dès lundi soir, lors d'un dîner. C'est pourquoi ils n'ont pas eu besoin de beaucoup de temps mardi pour se mettre d'accord sur une déclaration conjointe, qui a constitué le seul document du sommet, mais pour autant, pas le seul résultat.

Intervenant devant la presse à midi pile, les trois leaders ont entrepris d'expliquer combien la Russie et l'UE avaient de choses en commun. Les matières premières, par exemple, a cité M. Sarkozy, ajoutant que des questions comme l'échange de technologies, le problème nucléaire iranien ou la régularisation de la situation au Proche-Orient rapprochaient également les trois pays.

« Nous devons aider le président Medvedev à moderniser son pays », a déclaré le président français dont les propos sont retraduits du russe. « Nous allons travailler main dans la main et avancer progressivement sur la question de la suppression des visas, si importante pour la Russie ».

S'agissant de la suppression des visas avec l'UE, que Moscou a soulevée avec une insistance sans précédent cette année lors de tous ses contacts avec l'Union dans son ensemble, ou avec certains de ses membres en particulier, le sommet de Deauville a fourni pour la première fois une réponse plus ou moins nette. Moscou, Berlin et Paris se sont accordés sur l'idée qu'il fallait préparer un plan d'action à ce sujet. Ou comme l'a exprimé M. Medvedev, une « feuille de route ».

Le président russe a ainsi fait comprendre après ses entretiens avec ses homologues allemand et français que la position de la Russie sur cette question avait évolué. Si auparavant, Moscou demandait que l'on passe aussi vite que possible à un régime sans visa, et avait même présenté en juin au sommet Russie-UE de Rostov-sur-le-Don un projet d'accord sur le sujet, prêt à être paraphé, à présent, Moscou s'est fait à l'idée que ce processus prendrait du temps.

« Supprimer les visas d'un seul coup n'est pas possible, même si la Russie souhaite que cela se fasse rapidement », a souligné Angela Merkel.

Dmitri Medvedev n'a pas démenti Mme Merkel : « Tout le monde comprend bien qu'il faut supprimer les visas. Nous nous sommes mis d'accord sur le fait que cela devait être un processus et qu'il devait y avoir une feuille de route. Le prochain round de négociations se déroulera avec toutes les parties, probablement à Bruxelles (au prochain sommet Russie-UE, NDLR) ».

Un diplomate russe, qui avait participé à la préparation du sommet, a confié à Kommersant que les déclarations du président russe constituaient une « rupture », s'expliquant ainsi : « cela signifie qu'il y a un accord pour travailler progressivement et sans forcer personne. C'est une approche civilisée et non pas politisée ». D'après lui, les délais pour la suppression des visas seront précisés après l'allègement des règles de migrations internes à la Russie (la procédure d'enregistrement des étrangers en Russie est à ce jour payante et pesante), l'unification des techniques européennes et russes de contrôle des frontières et quand l'UE aura reçu la garantie que les frontières russes par lesquelles transitent les principaux flux d'immigrants illégaux seront suffisamment protégées.

Les trois chefs d'État ont abondamment souligné le fait que la Russie est aujourd'hui un pays ami de l'Occident.

« Nous vivons dans un nouveau monde, un monde d'amitié entre la Russie et l'Europe », s'est réjoui le président Sarkozy.

Appuyant ses mots, Dmitri Medvedev a fait savoir qu'il avait accepté de participer à la séance du Conseil Russie-OTAN dans le cadre du sommet de l'alliance organisé en novembre à Lisbonne.

« La coopération de la Russie et de l'OTAN est un format important. J'irai à Lisbonne. Cela favorisera le développement du dialogue », a-t-il estimé.

Jusqu'à mardi, sa participation était restée en suspens. Le Kremlin avait jusqu'à présent préféré ne pas répondre aux invitations répétées de l'Alliance de l'Atlantique nord. La dernière fois que le président russe a participé à un sommet de l'OTAN, c'était au printemps 2008. C'est Vladimir Poutine, alors président, qui s'était rendu à Bucarest pour y rencontrer les responsables de l'alliance, avec un objectif, les dissuader de faire entrer l'Ukraine et la Géorgie dans l'OTAN. Il y était parvenu, mais pas sans l'aide de la chancelière allemande et du président français, qui s'étaient opposés à l'entrée de Kiev et de Tbilissi dans l'alliance. En août de cette même année a éclaté le conflit en Ossétie du sud, qui a été suivi par une telle détérioration des relations entre Moscou et l'OTAN qu'un dialogue au plus haut niveau ou une rencontre étaient impossibles. On parle aujourd'hui des oppositions au passé. Et après ses négociations avec ses homologues allemand et français, M. Medvedev a considéré qu'il pouvait se rendre au sommet de l'alliance et participer au Conseil Russie-OTAN.

Au sein de la délégation russe, on a expliqué cette décision à Kommersant par le fait que le sommet de Lisbonne en novembre devrait mener les parties à des accords concrets. C'est précisément lors de ce sommet que pourrait être tranchée la question de l'achat par l'OTAN à la Russie de plusieurs dizaines d'hélicoptères Mi-17, avec un équipement militaire, pour les besoins de l'alliance en Afghanistan. Moscou et l'alliance sont en pourparlers sur ce sujet depuis plus d'un an et seraient prêts aujourd'hui, affirment les sources de Kommersant, à signer l'accord sur ce que l'on appelle le paquet hélicoptères.

En outre, lors du sommet qui aura lieu dans la capitale portugaise, le travail portant sur la liste commune des menaces et défis, préparée par la Russie et l'OTAN, devrait être achevé. « Ce document peut nous rapprocher de l'alliance, dans la mesure où il y est question à la fois de ce qui inquiète la Russie et les membres de l'OTAN, et qu'on y aborde la façon de résoudre ces problèmes. Il devrait être prêt pour le sommet », d'après l'interlocuteur de Kommersant.

Finalement, comme l'a déclaré mardi Angela Merkel, l'OTAN est disposée à discuter de tous les problèmes avec Moscou, « y compris du déploiement du bouclier anti-missiles en Europe ». Ainsi à Lisbonne, d'après les trois leaders réunis à Deauville, on pourrait assister à la pleine réconciliation de la Russie et de l'OTAN. D'autant plus que la déclaration finale de la rencontre de Deauville y fait allusion, Deauville où les trois chefs d'État se sont mis d'accord pour se baser sur le principe d'indivisibilité de la sécurité de tous les pays de l'espace euro-atlantique, d'empêcher ensemble la survenue de crises et résoudre les conflits gelés – notamment celui de la Transdniestrie.

Les perspectives d'un rapprochement entre Moscou et l'OTAN entrent également complètement dans le nouveau cours de la politique extérieure russe, que Dmitri Medvedev a exposé aux diplomates russes lors d'une réunion du corps diplomatique en juillet dernier. Il avait alors déclaré qu'il fallait que la Russie noue des contacts en premier lieu avec l'Allemagne, la France, l'Italie, et l'Europe occidentale toute entière, ainsi qu'avec les États-Unis.

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