La santé, ça n’a pas de prix !

Oleg Simakov. Crédits photo : www.minzdravsoc.ru

Oleg Simakov. Crédits photo : www.minzdravsoc.ru

Les bloggeurs l’ont eu : un haut fonctionnaire du ministère de Tatiana Golikova Oleg Simakov, a fini par quitter son poste, acculé par les attaques d’internautes énervés. Ceux-ci lui reprochaient une commande très spéciale qu’il avait fait passer par l’État : il s’agissait de la création d’un réseau social destiné aux médecins. Rien d’extraordinaire en soi, sauf que le réseau était sensé être achevé en 16 jours et coûter 55 millions de roubles (1,3 million d’euros). Selon les bloggeurs, le coût était évidemment gonflé, et l’affaire devait profiter à quelques clients bien concrets.

Mercredi 13 octobre au soir, le ministère de la Santé et du Développement social a confirmé le départ d’Oleg Simakov, chef du département d'informatisation. « Oui, il a démissionné de son plein gré », a confirmé mercredi à RIA Novosti la conseillère de la ministre de la Santé publique et du Développement social, Sofia Maliavina.

Le scandale a commencé avec un appel d’offres pour la création d’un réseau social réservé aux professions médicales, dont l’objectif aurait été d’abattre les barrières entre médecins et non-titulaires à travers la Fédération. Le site devait par ailleurs recenser divers types d’informations destinées aux professionnels : diagnostics, description de maladies, traitements et tours d’horizon des nouveaux traitements et équipements médicaux. Un projet permettant aux patients de s’adresser directement aux spécialistes sur le site était également à l’étude.

Les éléments les plus douteux dans ce projet en étaient le coût et la durée : 55 millions de roubles (environ 1,3 million d'euros) et 16 jours pour la création du site ex nihilo, pouvait-on lire librement sur le site des contrats d'achat de l'État. En 16 jours, l'entreprise choisie pour ce projet devait mettre au point le logiciel, le tester, et former les institutions médicales à l'utilisation du réseau.

Oleg Simakov a voulu expliquer que tant de hâte tenait au fait que son ministère devrait rendre compte de l’avancement de ses projets à la mi-décembre, et que le projet n’avait été acté que dix jours plus tôt. Il a souligné que les discussions sur la création de ce réseau avaient elles duré au moins deux ans. M. Simakov a surtout eu du mal a expliquer quel fournisseur exactement serait chargé de fournir le logiciel, « dans la mesure où la tâche qui attend les installateurs est vraiment compliquée », comme il l’a expliqué au portail web Cnews.

L'épée vengeresse de la blogosphère

C'est le bloguer evgeniy1001 qui a le premier attiré l'attention sur le sujet, à travers un post ironique sur son Live Journal, le 7 octobre : « Notre ministère de la Santé utilise activement la toile dans son travail. Comme on dit, ils y ont goûté et ça leur a plu. Et pourquoi pas ? De toute façon, c’est l'État qui paye. Les fonctionnaires n’ont pas besoin de gagner cet argent, mais ils sont passés maîtres dans l’art de le dépenser. Leur objectif : obtenir un budget toujours plus important. Ils ont déjà réussi à monter le projet « Un mode de vie sain », dont j’ai parlé plus haut. Ils ont maintenant eu l’idée de créer un nouveau réseau social sur lequel médecins et patients pourront discuter ». evgeniy1001 ajoute que le ministère du Développement économique n’a lui dépensé que 2,5 millions de roubles (moins de 59 000 euros) pour créer son réseau « Chois. Qualités. Possibilités », soit 22 fois moins que la somme prévue par le ministère de la Santé.

Ce post a provoqué immédiatement de multiples réactions sur la blogosphère et jusque dans les médias. Alexeï Navalny, un personnage public qui tient un livejournal très populaire, a lancé une action sur Internet. Il a invité les internautes à submerger de messages le Service fédéral anti-monopole (FAS), en leur demandant de vérifier l’appel d’offres douteux passé par le ministère de la Santé. Au final, le FAS a reçu plus de 1500 demandes. Les bloggeurs ont réussi à démontrer que l’appel d’offres avait sans doute été passé auprès d’un concepteur bien précis, qui disposait d’un produit déjà prêt et qu’il existait entre lui et les fonctionnaires du ministère de la Santé, très certainement, de fortes connivences.

Tatiana Menkova, analyste de la compagnie d'investissements Finam, envisage la situation sous un autre angle. Selon elle, il existe quantité de modules prêts à l'emploi pour la création de réseaux, grâce auxquels on peut monter de nouveaux projets en deux semaines. Si bien que l’appel d’offres n’a pas forcément, à ses yeux, été passé pour le profit d’un concepteur précis. Concernant les 55 millions de roubles, la somme lui semble adaptée, si l'appel d'offres prévoit la maintenance à venir du système. Car Mme Menkova estime que la plus grande difficulté du projet consiste à renouveler le contenu des pages du site. Malgré tout, les blogueurs sont arrivés à leurs fins : mardi, le ministère a annoncé la suppression de cet appel d'offres. Officiellement, cette décision est “liée à l'appréciation incorrecte des médias”.

Deux autres appels d'offres tout aussi « impressionnants » sont passés à la trappe par la même occasion. L'un portait sur la création d'un système de soutien à la prise de décision lors d’un diagnostic, pour un coût de 20 millions de roubles (environ 470.000 euros), dans un délai de 16 jours également. L'autre, sur la commande d'une bibliothèque médicale électronique d'un coût de 35 millions de roubles (environ 821.000 euros), pour laquelle on avait réservé 14 jours de travail. Le ministère de la Santé et du Développement social n'a pas précisé les raisons de ces annulations.

Cet article est une version condensée d'un article paru sur gzt.ru

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