« On ne réalise pas à quel point la Russie a changé »

Crédits photo : Kirill Lagoutko

Crédits photo : Kirill Lagoutko

Quelles sont les origines de la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe ?

Plusieurs hommes d’affaires, dont moi, ont d’abord fondé le « Club France » en 1997 parce que rien à l’époque ne fédérait la communauté d’affaires française en Russie. En 2006, nous avons transformé le Club France en Chambre de commerce et de l’industrie française en Russie. C’est une évolution naturelle parce que d’un côté l’Ambassade de France voulait avoir cette structure et d’autre côté les autorités russes ne comprenaient pas très bien ce que c’était qu’un club, tandis qu’ils comprennent très bien ce que c’est qu’une Chambre de commerce. Conformément au vote de l’Assemblée générale du 26 juin 2009, la Chambre de commerce et de l’industrie française en Russie s’est transformée en Chambre franco-russe qui a plus de 300 entreprises parmi ses membres. Nous comptons désormais beaucoup de Russes.

Quel est le rôle de la Chambre ?

Notre rôle n’est pas de chercher des entreprises française désirant s’installer en Russie – c’est la fonction de l’organisation Ubifrance auprès de l’Ambassade – mais d’aider à l’intégration dans le tissu économique du pays les entreprises qui sont déjà installées. Nous faisons du lobbying pour les entreprises françaises présentes en Russie. Nous ne nous occupons pas de grands contrats – disons, comme Ariane Espace ou Gaz de France – mais de tout le reste, afin d’aider les entreprises dans leur développement. Désormais, nous aidons également les entreprises russes qui veulent s’installer en France. Ça va dans les deux sens.

Les hommes d’affaires français ont à Moscou la réputation d’être trop frileux...

Ce fut vrai pendant un temps. Mais aujourd’hui la crise financière a fortement frappé l’économie française. Les Français ont commencé à bouger, y compris – en Russie. Par exemple, notre Association à but non lucratif est financée essentiellement par les cotisations de ses adhérents. Nous ne bénéficions d’aucune subvention publique, mais nous sommes largement sollicités et nous n’avons pas de problèmes financiers.

Et pourtant, l’image de la Russie reste largement négative.

Les Français, sous l’influence des médias, vous expliquent : « En Russie il n’y a que la mafia, qui fait tuer à tous les coins de rue... Il fait froid... La pauvreté est absolument immense... ». Donc on me demande effectivement ce que je fais là. Et encore l’année dernière on m’a demandé si j’avais des gardes de corps. Et quand j’ai répondu que je n’en avais pas, on m’a dit que je devais bien avoir au moins un chauffeur. Quand j’ai dis que je n’en ai pas non plus, on s’est mis à douter de ma bonne foi. Les français ne réalisent pas combien la Russie a changé. Un autre phénomène s’ajoute à cela : la Russie n’est pas un pays touristique. Les étrangers ne vont pas en Russie pour se reposer. Par exemple, on écrit dans les journaux qu’il y a de nombreux pauvres aux États-Unis, et même des millions. Mais les français vont là-bas et savent grâce à cela que ce n’est pas toujours vrai. Presque personne ne vient de l’étranger en Russie pour passer ses vacances. Voila pourquoi les Français ne peuvent pas mettre les choses en perspectives à propos de la Russie.

Pourquoi vous étés venu a Moscou et pas au Vietnam ou en Chine ?

Je suis venu à Moscou par hasard. Il faut savoir saisir des opportunités. J’étais alors déjà chez Ernst & Young, où j’avais démarré ma carrière. Il se trouve que le représentant du bureau de Moscou souhaitait alors rentrer en France. Notre bureau a Paris a décidé d’y nommer quelqu’un capable de s’intégrer. Ils ont pensé à moi parce que j’avais déjà travaillé aux États-Unis, je voyageait énormément en Afrique et au Moyen Orient… Ils se ont estimés que je pouvais m’adapter aux cultures et systèmes différents. Jamais je n’avais imaginé m’expatrier en Russie. Je suis venu à Moscou avec un contrat pour deux ans. Seize ans plus tard, j’y suis toujours.

Et Moscou s’est-elle transformée pendant tout ce temps-là, à votre avis ?

La transformation de Moscou a été faite pendant quelques années. Très vite ! Et c`est vraiment sidérant comment Moscou a change pendant ce temps-là. Vous voyez les embouteillages qu`on n`avait pas a l`époque. Avec les grandes artères de Moscou la Mairie aurait pu faire mieux... Mais malgré les embouteillages la vie est très agréable a Moscou. La pollution? Non, a Moscou il y a beaucoup de vent. Il souffle tout le temps – et l`air bouge! En plus Moscou est une ville très verte. Ses parcs sont absolument immenses et vous en avez partout... Des que vous sortez de MKAD (l`équivalent du Périphérique parisien) – vous êtes tout de suite dans la campagne. C`est surprenant: il n`y a pas ce contraste en France avec ses banlieux. La campagne se trouve la-bas a 120 kilomètres de Paris... On me dit en France: « Tu vis bien en Russie parce que tu es un étranger riche ». Faux! Moi, je me considère comme un nouveau pauvre par rapport aux nouveaux Russes. La Russie ce n`est pas l`Afrique. Les Français sont habitués de comparer tout avec l`Afrique. Disons, les expatries français vivent bien en Afrique parce qu`ils ont de l`argent. En Russie ce n`est pas le cas. C`est le pays tout a fait normal. Les Français vivent parmi les Russes comme les Américains vivent parmi les Français a Paris. L`attitude envers les étrangers a Moscou a beaucoup change vers 1996. Si d`abord les filles russes nous considéraient comme un butin, après le 1996 les expatries ne les intéressaient plus. L`économie russe est repartie après le 1996, et les Russes ont commence a avoir beaucoup d`argent…

Les Russes ont l`habitude de se plaindre que la vie a Moscou est devenue très chère...

Arrêtez! Maintenant c`est Paris qui est la capitale la plus chère du monde. Et Moscou parmi les villes les plus chères occupe la 17 ou la 18-ème place... A Moscou il y a tout. Y compris – les restaurants aux prix raisonnables. Et la richesse culturelle est importante. J`adore le Conservatoire de Moscou. Le public y est fantastique: du sept a 77 ans!

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