Vive les normes européennes !

Pendant qu’on débat sur la modernisation, l’économie russe évolue graduellement. Non pas grâce aux programmes gouvernementaux, mais malgré eux. Ces dernières années, PSA Peugeot-Citroën, Mitsubishi et Volkswagen ont implanté en Russie des usines d’assemblage, Siemens a ouvert une usine de transformateurs et des investisseurs occidentaux ont créé de nombreuses entreprises agroalimentaires.

Les entreprises russes développent également leur activité. L’usine métallurgique de Magnitogorsk, par exemple, a installé une nouvelle ligne de traitement de tôle. Les investissements augmentent dans le raffinage du pétrolier et chimique.

Tous ces projets se sont faits sans aucune aide de l’État. Malgré les déclarations tapageuses sur l’engagement du gouvernement, de sérieux doutes existent quant à l’intention réelle des autorités de moderniser le pays.

Les entreprises en construction ou en phase de modernisation n’utilisent pas de matériel russe. L’équipement métallurgique a plus de chances de venir de la firme allemande SMS Siemag ; la compagnie finlandaise Konecranes fournit l’équipement de levage ; les fours à briques sont faits par Burton en Allemagne ou Ceratec en France ; les fraiseuses viennent de Krupp et les imprimantes de Heidelberg. Tout est importé car l’industrie russe ne produit pas de biens d’équipement.

La plus grosse difficulté réside dans l’obligation de certifier l’équipement et de l’adapter au normes techniques russes. Dans la plupart des cas, l’étude officielle de la documentation d’un projet prend des mois et dévore l’énergie des investisseurs. Il faut également traduire un grand nombre de documents, travailler avec des fournisseurs pour changer des mécanismes et assemblages spécifiques, afin d’obtenir la certification russe. Même durant la période difficile de 2008-2009, la Russie a importé des équipements industriels pour une valeur de 159,9 milliards de dollars. Avec 52,2% du total des importations, c’est la principale catégorie de biens importés.

Dans ces biens importés, 62,2%, soit 99,4 milliards de dollars, viennent de l’Union européenne. Environ 17% viennent de Chine. Au total, 45% sont produits par des sociétés européennes ayant des entreprises en Chine et 35% de ces biens sont fabriqués par des firmes chinoises qui exportent en Europe. Donc, plus de 75% de l’équipement industriel russe est de facto conforme aux normes de l’Union européenne. La question qui crève les yeux, c’est donc : pourquoi ces biens doivent-ils sauter sans fin d’un bureau à l’autre, un processus de plus en plus difficile et onéreux, pour obtenir la certification et l’agrément russes ?

La solution pourrait être aussi simple qu’efficace : supprimer les exigences fort lourdes imposées aux biens fabriqués dans l’UE pour obtenir certificats et autorisations en Russie ou conformément aux normes de l’UE et pour les travaux de construction réalisés par des entreprises basées en Europe.

Cette décision permettrait de réduire drastiquement les coûts hors fabrication que rencontrent les entreprises qui optent pour la modernisation. La Russie devrait commencer par lever les barrières à l’importation de biens étrangers de haute qualité et glisser graduellement vers une plus grande harmonisation des normes et plus de coopération avec le monde des affaires européen. Moscou éliminerait par la même occasion les obstacles à la modernisation créés au nom de « l’ordre » et la « sécurité », des obstacles qui ne servent qu’à gonfler une bureaucratie grossissante et à garnir les poches d’officiels corrompus.

Vladislav Inozemtsev est professeur d’économie et directeur du Centre pour les études post-industrielles à Moscou. Il dirige la revue Svobodnaïa Mysl

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