Droit de réponse à un génie

Crédits photo : DR

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Titre
À qui la faute ?
Auteur
Sophie Tolstoï
Éditeur
Éditions des Syrtes
Traduit par
Christine Zeytounian - Beloüs

Lorsqu’il écrit La Sonate à Kreutzer, Tolstoï est en pleine crise spirituelle. Tourmenté par les remords d’une jeunesse de débauche, il se tourne vers une foi avide d’absolu et, assimilant la femme à la tentation et au vice, le mariage à la « prostitution légalisée », dresse dans son ouvrage un réquisitoire cruel qui prône l’abstinence et interdit la procréation (le couple a eu treize enfants !). Sophie est blessée, humiliée. Pire, elle comprend qu’elle est définitivement écartée de tout compagnonnage sur la voie spirituelle de son époux. Deux ans plus tard, elle achève À qui la faute ?, sous-titré « réponse à Léon Tolstoï ».

Sophie Tolstoï expose sa version de la genèse d’un malheur familial qui repose sur un malentendu : elle rêve « d’un amour reposant sur un idéal commun, une affinité particulière », lui de la « commodité d’une épouse jeune, belle et bien portante »... Elle se donne corps et âme, il se détourne, sitôt ses fins atteintes. Elle est belle, intègre, dévouée, exigeante. Il sera donc suspicieux et jaloux. Elle est engluée dans le matériel, gère le domaine, copie et corrige les manuscrits de son époux, porte et élève les enfants, les veille lorsqu’ils sont malades ; lui, dévoré par sa quête spirituelle, est indifférent devant l’enfant malade et ne montre que dégoût devant le nouveau-né.

À qui la faute ? Sous entendu, « à lui ! » ... Vibrant contrepoint au réquisitoire implacable de Tolstoï, À qui la faute ? est l’exposé des aspirations d’une femme blessée. Une femme intelligente, talentueuse, qui 
revendique un autre statut 
que celui d’objet de désir ou d’intendante et le droit d’aspirer elle aussi à l’élévation spirituelle.

À qui la faute ? ne verra le jour en russe qu’en 1994. Ultime sacrifice, Sophie avait accepté de ne pas le publier à la demande des proches. Cette année qui est celle du centième anniversaire de la mort de son illustre époux, l’édition française, par une étrange ironie, propulse Sophie sur le devant de la scène. La parution de À qui la faute ? simultanément chez Albin Michel et aux éditions des Syrtes propose une autre lecture de La Sonate à Kreutzer. La publication de Ma vie, l’imposante et passionnante autobiographie de Sophie, est, elle, prévue le 7 octobre.

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