C’est dans la puissance du romantisme qu’un art russe proprement national a vu le jour. On le découvre au Musée de la Vie romantique de Paris, qui accueille à partir du 28 septembre quatre vingts toiles prêtées par la galerie Tretiakov de Moscou, l’un des plus importants musées d’art du monde.
Le musée parisien donne à découvrir l’existence russe aux temps du romantisme, précieuse dans les intérieurs des maisons nobles, sauvage sur les chevaux de combats cosaques. Loudmila Markina, directrice du département des Peintures des XVIIIème et XIXème siècles de la Galerie Tretiakov, explique le caractère particulier de ces œuvres : « Au lendemain de l’assassinat de l’empereur Paul Ier en Russie, le jeune tsar Alexandre laissait espérer de grandes
réformes. La foi dans un monarque juste fit naître chez les Russes un sentiment de fierté
et d’allégresse. Le terme de “romantisme”, apparu dans la presse russe des années 1810, était étroitement associé au concept de “patriotisme” ».
Après des années marquées par l’attirance de Pierre le Grand pour l’Occident, le début du XIXème siècle annonce le désir russe de se donner les outils artistiques d’une identité nationale. Voyageant à travers l’Europe, les artistes de l’Empire peignent ses paysages à leur manière, avec une grande force émotionnelle, comme l’explique le critique d’art Emmanuel Ducamp : « Peut-être est-ce là, l’apport profondément original des artistes russes au paysage esthétique européen de la première moitié du XIXème siècle. Ils exaltent en particulier la nature humaine, sa vérité et son authenticité avec une intensité toute slave ; ils affirment leur révérence à une nature qui les nourrit spirituellement ».
Parmi les portraits de Karl Brioullov et les paysages de Maxime Vorobiev, l’exposition présente, entre autres œuvres, La traversée du Dniepr par Nikolaï Gogol, tableau d’Anton Ivanov peint en 1845. La forêt sur les rives du Dniepr est immense, le soleil disparaît derrière les confins du monde. La flamme tranquille qui anime la discussion des trois personnages sur la barque, en chemise russe et chapeau occidental, est perceptible. Leur reflet est comme l’âme inquiète de leurs paroles. Nikolaï Gogol n’a sans doute jamais effectué cette promenade, et le peintre Ivanov, né serf et fils et de serf, connaissait mieux la Volga, pour y avoir navigué, que le Dniepr. Mais cela n’a pas d’importance. Son tableau allie les sortilèges du romantisme aux règles du classicisme, que les romantiques russes se devaient d’apporter à un art naissant pour la première fois hors du giron de la Cour et de l’Église.
La période romantique est aussi l’heure d’une proximité franco-russe particulière. Alexandre Pouchkine, qui
puisait sans complexe dans son propre folklore national - quand tant de ses compatriotes le dénigraient - possédait également une maîtrise éblouissante de la
langue française. Son portrait, gravé par Nikolaï Outkine, est la représentation la plus célèbre du prince de la littérature russe.
Galerie Tretiakov
La galerie d’État Tretiakov à Moscou a été fondée en 1856 par Pavel Tretiakov, industriel et grand amateur d’art. Le musée possède l’une des plus importantes collections au monde : plus de 130 000 œuvres d’artistes russes.
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