Un appel d'offre mettrait le Mistral en concurrence

Le porte-hélicoptères français Mistral.Crédits photo : RIA Novosti

Le porte-hélicoptères français Mistral.Crédits photo : RIA Novosti

Le ministère de la Défense russe, confronté à des pressions et des protestations de concurrents potentiels russes et étrangers, a pris la décision de principe de lancer un appel d'offres pour l'acquisition d'un BPC (bâtiment de projection et de commandement), renonçant ainsi à l'idée d'un achat sans alternative du navire porte-hélicoptères français de type Mistral. Cette vente faisait l'objet de négociations au niveau gouvernemental entre la France et la Russie depuis plus d'un an. Maintenant, il ne s'agirait plus de l’achat d'un navire concret, mais de l’examen de plusieurs offres.
Le Groupe unifié de construction navale russe (OSK) a pu obtenir du ministère de la Défense l'organisation d'un appel d'offres ouvert en vue de l’acquisition d'un porte-hélicoptères pour les besoins des forces navales russes, a reconnu M. Roman Trotsenko, président de l'OSK. Le ministère de la Défense semble ainsi renoncer de fait à l'idée d'un achat rapide, direct et sans alternative du navire français de type Mistral (BPC dont la valeur approximative en France est de 340 à 420 millions d'euros). Il étudiera les offres des chantiers qui jugeront bon de concourir pour des navires de même catégorie y compris celle du chantier de constructions navales OSK. Ce dernier a prévu un coût de 390 à 550 millions d’euros. Ce nouveau développement n'empêche pas les militaires d'avouer leur préférence pour le Mistral. Toute la question est donc de savoir si l'appel d'offre annoncé ne sera qu'une simple formalité.

Les offres des chantiers de construction navale russes et étrangers seront admises. Leur liste, les critères de sélection, les conditions et les délais du concours seront fixés par une commission spéciale du ministère de l'industrie et du commerce, actuellement en cours de constitution.

Au cours des six derniers mois, OSK cherchait à obtenir de la part du ministère de la Défense un appel d'offres ouvert et a même porté plainte auprès du Service fédéral Anti-monopole (FAS). “Les déclarations du ministère de la Défense, selon lesquelles l'OSK ne serait pas en capacité de construire un Mistral, qui est, en fait, un navire civil réaménagé, ont nuit à la collaboration du groupe avec d'autres clients à l'exportation, qui ont commencé à avoir des doutes”, nous a-t-on assuré dans le groupe. Le FAS a rejeté la plainte de l'OSK contre le ministère, mais ce dernier a tout de même ouvert un appel d'offres.

Selon les sources du journal Kommersant, la nomination du vice-premier ministre et président du Conseil d'administration de l'OSK, Igor Setchine, au poste de responsable de la commission gouvernementale pour la construction navale militaire a dû jouer un rôle non négligeable pour remporter la décision.

Selon Roman Trotsenko, OSK sera représenté au concours par trois chantiers navals à la fois : l'usine de construction navale d'Extrême-Orient Zvezda, Admiralteïskie verfi (St-Petersbourg) et Yantar de Kaliningrad. Zvezda a déjà créé une joint-venture avec le groupe sud-coréen Daewoo Marine Shipbuilding & Engineering, et ils présenteront ensemble une offre sur le porte-hélicoptère coréen Dokdo.

« Admiralteïskie verfi et Yantar participent au concours conjointement avec le bureau d'études Severnoïe, qui fait partie d'OSK », précise Trotsenko, mais pour l'instant ils gardent le secret sur leur projet.

Certaines sources au sein d'OSK disent que le navire pourrait également être construit en partenariat avec un chantier naval étranger. Au printemps, Igor Setchine a écrit au premier ministre Vladimir Poutine, soulignant qu'il n'y avait pas que le navire coréen Dokdo, mais également le Johan de Witt hollandais ainsi que le Juan Carlos espagnol, qui pourraient être une alternative au Mistral.

Indépendamment du choix final du ministère de la Défense, les chantiers navals d'OSK sont prêts à construire le navire en 30 mois, affirme Trotsenko. Selon lui, en fonction des systèmes de navigation, de contrôle et de communication, ainsi que de l'armement, son prix doit s'élever à 500-700 millions de dollars (390 à 550 millions d’euros) sans compter les groupes d'aviation et les navires de débarquement (les deux premiers navires de la catégorie Mistral ont été construit en 2006 et 2007 pour 680 millions d'euros, le troisième, qui vient juste de quitter le chantier naval, pour 420 millions d'euros).

Les sources au sein du ministère de la Défense affirment que l'achat d'un BPC de type Mistral reste toujours prioritaire et qu'il avait été « étudié à tous les niveaux : militaire, gouvernemental et technique ».

Le Ministère de la défense, achètera-t-il le navire déjà construit à la France ou va-t-il faire une commande aux chantiers français STX Europe ? OSK a déjà essayé d'établir une collaboration avec STX en Russie, mais les parties n'ont pas abouti à un accord sur la construction du navire. Elles discutent désormais d'une coentreprise pour la production de moteurs diesel marins à Saint-Pétersbourg.

Par ailleurs, les sources au sein du ministère de la Défense disent que le concours va probablement attirer les usines contrôlées par Mejprombank : Severnaïa verf ou l'usine Baltysky. Un représentant de Mejprombank a confirmé qu'ils sont intéressés par la participation à l'appel d'offres.

Les acteurs du marché sont convaincus que les chantiers de Mejprombank seront les favoris parmi les candidats russes. Selon nos sources, le propriétaire de la Mejprombank, Sergueï Pougatchev, a été initialement le lobbyiste principal de l'achat du Mistral à la France, avec une éventuelle construction de navires en Russie, ce qui lui permettrait d'assurer des contrats à ses chantiers navals.

Le président Dmitri Medvedev et le premier ministre Vladimir Poutine n'annoncent pas clairement leur position concernant l'achat du Mistral : les deux ont déclaré que l'achat d'un tel navire serait intéressant, mais à condition que la France accepte certains transferts de technologie.

Selon des sources au sein d'OSK, « le groupe comprend que compte tenu de la similitude des positions de la Mejprombank et du ministère, les chances des chantiers navals d'OSK de décrocher le contrat ne sont pas significatives ».

Le rédacteur en chef de Moscow Defense Brief, Mikhail Barabanov, lui aussi pense que les chantiers de Mejprombank seront les favoris du concours organisé par le ministère de la Défense et qu'ils signeront le contrat de construction du Mistral. «Il semble que le marché, sous cette forme, est déjà approuvé au niveau politique par la Russie et la France ». L'appel d'offres du ministère, dans ces conditions, n'est peut-être qu'une formalité, pense M. Barabanov.

Cette opinion est partagée par Konstantin Makienko du Centre d’analyse de strategies et de technologies. Il précise que le contrat sera probablement attribué à l'usine Baltysky, contrôlée par la banque Severnaïa verf, qui a déjà des commandes de constitution de corvettes et de frégates. OSK négocie l'achat des deux chantiers à Mejprombank, mais les parties n'arrivent pas pour le moment à se mettre d'accord sur le prix.

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