Ramzan Kadyrov lors de son investiture au poste de président de Tchétchénie en avril 2007.Crédits photo : Konstantin Zavarjine, RG
Dans un geste de déférence vis-à-vis du pouvoir central, le numéro un tchétchène Ramzan Kadyrov a ordonné au parlement de la république caucasienne de trouver un autre terme pour définir son chef. « A mon sens, il ne doit y avoir qu'un seul président dans l'État », a-t-il déclaré à la presse russe. Parmi les appellations proposées figurent « chef de la république », « président du gouvernement » et « Mekkh-da », qui signifie en tchétchène père de la nation et imam.
Saluée par d'autres chefs de région, du Daghestan à l'Ossétie du Nord en passant par la République des Komis, l'initiative a fait tache d'huile. Selon le politologue Dmitri Badovski, la proposition pourrait même donner lieu à une discussion cet automne à la Douma (chambre basse du parlement russe).
Les offensives de charme envers Moscou de Kadyrov, au pouvoir depuis 2007, sont connues pour leur caractère maladroit qui fait parfois grincer des dents. C'était notamment le cas de la proposition visant à rebaptiser l'artère centrale de la capitale tchétchène « Avenue Poutine » en octobre 2008. Le hic, c'est qu'il était jusqu'alors convenu de donner aux rues les noms de dirigeants décédés, certains y ayant vu une allusion très freudienne. Pour d'autres, ce geste apportait un soutien peu discret au premier ministre Poutine sur fond de formation du tandem dirigeant avec le président Medvedev.
Une proposition tchétchène beaucoup plus problématique avait été formulée en avril 2009: Kadyrov avait soutenu la polygamie, un symbole de l'islamisation de la république qui entrait en porte-à-faux avec la Constitution russe. « En Tchétchénie, il y a plus de femmes que d'hommes. Et elles doivent toutes trouver leur place dans la vie », s'était justifié le leader tchétchène. Pour faire passer la pilule, il s'était livré dans la foulée à un éloge théâtral de Vladimir Poutine. « Je dois ma vie à Poutine. Je ne serai plus un homme si j'oubliais ça », avait-il conclu.
L'initiative avait connu un rebondissement inattendu: le leader ultranationaliste Vladimir Jirinovski avait proposé début 2010 l'instauration d'une prime à la première naissance et de la polygamie pour doper la natalité en Russie.
Le « bad boy » de la Fédération
Ancien rebelle rallié au camp pro-russe avec son père, le grand mufti Akhmad Kadyrov assassiné en 2004, le numéro un tchétchène jouit d'une liberté croissante tolérée par Moscou, qui subventionne grassement la fidélité de son régime.
N'en déplaise aux opposants: ces dernières années, le sang des ennemis du camp Kadyrov a été répandu de plus en loin de la turbulente république. La saga mettant aux prises le président tchétchène au clan Iamadaïev, très influent dans les forces armées, avait débouché en octobre 2008 sur l'assassinat de l'ancien député fédéral Rouslan Iamadaïev abattu au volant de sa voiture dans la capitale russe, à deux pas du siège du gouvernement. L'assassinat aux Émirats arabes unis de son frère Soulim Iamadaïev avait quant à lui généré un imbroglio diplomatique et politique avec Dubaï.
La Tchétchénie reste l'épicentre de phénomènes politiques d'une grande résonance à l'échelle fédérale, ce qui concerne aussi bien les deux conflits armés qui y ont éclaté depuis la chute de l'URSS, que les tonitruantes luttes de pouvoir de l'insatiable homme fort de Grozny. La dernière lubie de Kadyrov n'a donc rien de désintéressé : il pourrait rechercher en contrepartie un élargissement des ses prérogatives.
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