Contrat et contrariétés

Les contrats prénuptiaux entrent difficilement dans les mœursen Russie. Crédits photo : Ioulia Bouroulyova

Les contrats prénuptiaux entrent difficilement dans les mœursen Russie. Crédits photo : Ioulia Bouroulyova

Ce n’est qu’au moment de divorcer qu’Ekaterina, une experte en marketing de 28 ans originaire de Moscou, a signé un contrat de mariage avec son mari. Il s’agissait de partager l’appartement qu’ils avaient acheté avec son argent à elle, mais dont ils étaient propriétaires tous les deux. Son conjoint a fini par lui laisser la totalité de l’appartement, dénouement heureux après des semaines d’inquiétude. « Quand tout va bien, on ne pense pas à ce genre de choses », constate la jeune femme.

Selon les statistiques officielles, sur 1,2 millions de couples russes qui se sont mariés en 2009, 25 000 seulement, soit 2%, ont signé des contrats stipulant les conditions d’une séparation de biens. Pourtant, 58% des mariages russes tournent au divorce.

Les contrats vont à l’encontre de la mentalité conservatrice russe, dans laquelle n’entre guère la conclusion d’un marché autour d’affaires de cœur. L’accord prénuptial place les conjoints sur un pied d’égalité, ce qui est totalement inacceptable dans le schéma patriarcal de la famille russe, comme l’explique Kirill Podyachev, sociologue : « Le mariage est une soumission complète de la femme à l’homme. Le devoir de la femme est de céder en tout à son mari. Les Russes considèrent que l’amour et le contrat de mariage sont incompatibles ».

Le système législatif n’a introduit le concept de contrat de mariage qu’en 1966. À l’époque soviétique, il n’y en avait nul besoin, parce que les gens ne possédaient pas grand-chose à contester en cas de divorce. Mais aujourd’hui, alors que le niveau de vie augmente, de plus en plus de couples ont intérêt à régler à l’avance une question qui avait jusque-là peu de chances de se poser. En cinq ans, le nombre de mariages à contrats a été multiplié par quatre, soit de 5000 en 2005 à 25 000 en 2009. En outre, les sociologues observent que les couples faisant appel à un avocat avant d’échanger leurs vœux n’appartenaient à aucune catégorie d’âge ou sociale précise.

Toutefois, la législation est encore imparfaite car elle ne couvre que les droits de propriété, indique l’avocate Olessia Iermolenko. En Occident, ces contrats répartissent aussi les tâches ménagères, les pensions alimentaires et les droits de visite auprès des enfants. Le cabinet d’Olessia rédige des contrats de mariage qui peuvent être signés après l’union.

Les affaires fluctuent en fonction des saisons, avec une augmentation en mars, avril, août et septembre. Les couples mariés pensent souvent aux contrats après les fêtes, particulièrement le Nouvel An, quand l’abus de vodka fait tourner les relations familiales... au vinaigre.

Article paru initialement dans The Moscow Times




Les citadins plus inclinés au contrat

Sur 1 000 personnes interrogées à Moscou, Saint-Pétersbourg, Ekaterinbourg et Novossibirsk, une large majorité se sont déclarées favorables à la division des biens par contrat.
















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