Parfaire ses entrechats à l’école du Bolchoï

« Danser sur la nouvelle scène du Bolchoï, c’est beaucoupde joie, de trac et la tristesse que tout se termine rapidement ».Crédits photo : Alexander Averine

« Danser sur la nouvelle scène du Bolchoï, c’est beaucoupde joie, de trac et la tristesse que tout se termine rapidement ».Crédits photo : Alexander Averine

Le dos bien droit, la nuque dégagée et les pieds en première position, Michelle Willems danse comme elle respire. Le goût de son art lui est venu toute petite, après avoir assisté à un ballet classique. En sortant de la salle de spectacle, c’était décidé : elle serait danseuse. S’ensuit une rencontre décisive avec son premier professeur de danse, Katia Anapolskaïa, qui lui propose de la montrer au Bolchoï. Un rêve inouï pour cette jeune Française.

Alors que les conditions d’admission dans la prestigieuse école requièrent le passage de trois examens pour évaluer les aptitudes (écarts, positions, « en-dehors »), la morphologie selon les critères du Bolchoï (« longues jambes, longs bras, petite tête ») et le style, Michelle Willems est invitée à faire une démonstration devant un professeur, lors d’un cours avec des enfants de son âge. « Mon intégration au Bolchoï ne s’est vraiment pas passée de façon habituelle », raconte-t-elle. « J’ai échappé aux trois examens d’entrée et on m’a prise directement en deuxième année ».

Débutent alors dix années d’internat pour l’unique Française de l’école, considérée très vite comme russe par les enseignants et les élèves. À dix sept ans, la jeune danseuse s’est aguerrie, et adaptée à la psychologie des professeurs sans se laisser intimider ni par leurs méthodes pédagogiques, ni par la discipline de l’école : « Pour que tu travailles davantage, les Russes te disent que tu n’as pas le niveau. Certains professeurs nous ont beaucoup fait pleurer mais ils nous aiment et ils sont durs pour nous forcer à donner le meilleur de nous-mêmes. Je préfère mille fois être grondée qu’ignorée ; j’aurais l’impression de ne pas intéresser », explique Michelle. En janvier 2010, à l’occasion du Gala Pestov organisé pour le jubilé du grand professeur, Michelle Willems est choisie pour danser avec le corps de ballet, sur la scène du Bolchoï, la Valse des fleurs de Casse-noisette. Les ballets dont les scénarios mettent en scène des enfants sont autant de chances pour les élèves de participer à des spectacles. Michelle rapporte comment elle a « également dansé au Kremlin dans le Corsaire de Grigorovitch dont la chorégraphie offre des rôles pour petites filles. J’étais en quatrième année et j’en garde un souvenir étrange car j’ai failli rater mon entrée en me prenant les pieds dans les fils du décor » .

« Grand » théâtre

Le Théâtre du Bolchoï (« Grand Théâtre » en russe) incarne mieux qu’aucune autre institution le sens du faste des Russes. Il fut construit en 1824, brûla en 1853 puis fut reconstruit avec une capacité portée à 2 000 places et une très vaste scène accueillant dès lors les grandes vedettes internationales. On y privilégie depuis toujours les voix très puissantes et les danseurs au physique athlétique. Fermé en 2005 pour travaux, le théâtre devrait rouvrir en 2011. Une « nouvelle scène » un peu plus petite accueille actuellement les spectacles du répertoire.

En répétition, il faut comprendre et mémoriser rapidement sous peine d’être écartée du spectacle. La vitesse de travail reste une marque distinctive de l’école russe, qui peut mettre en place un ballet en un temps très court. « Nous avons monté la Valse des fleurs en une semaine, c’est seulement sept jours de répétition avant la scène », explique la jeune Française. Et d’ajouter : « Danser sur la scène du Bolchoï [nouvelle scène], c’est beaucoup de joie, de trac et la tristesse que tout se termine rapidement ».

Le regard parfois critique sur les chorégraphies jugées trop académiques, la jeune danseuse se réjouit de voir des mises en scène plus contemporaines investir la scène du Bolchoï, à l’instar de l’Opéra de Paris. Elle aspire à des rôles de soliste et à un large répertoire pour danser des adagios et surtout des œuvre s de caractère, qu’elle affectionne particulièrement.

Michelle Willems terminera ses études dans deux ans, en sachant qu’elle ne pourra pas travailler au Bolchoï, car elle n’est pas de nationalité russe. Lucide, elle confie qu’elle « ne le regrette pas vraiment car au Bolchoï il y a beaucoup de talent, jusque dans le corps de ballet, donc il est très difficile de devenir soliste. Dans un autre théâtre, les danseurs ont certainement plus de chance d’y parvenir. Le diplôme du Bolchoï ne m’ouvrira pas toutes les portes mais c’est un diplôme prestigieux, qui comptera ».

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