Sarkozy scelle le rapprochement avec Moscou dans la pierre

Nicolas Sarkozy et Dmitri Medvedev lorsd’une promenade à Saint-Pétersbourg.Crédits photo : RIA Novosti

Nicolas Sarkozy et Dmitri Medvedev lorsd’une promenade à Saint-Pétersbourg.Crédits photo : RIA Novosti

Une fois n’est pas coutume, ce sont les russes qui construiront à Paris, et pas l’inverse. Le clou de la visite du président français à Saint-Pétersbourg fut la signature samedi 19 juin d'une lettre d'intention par le fonds russe Hermitage pour la construction de deux tours d'une hauteur de 320 m, dessinées par l'architecte britannique Norman Foster, dans le quartier d'affaires de la Défense, près de Paris. Ces deux tours de haut standing financées par des capitaux russes doivent héberger des logements, des bureaux, un hôtel et des commerces.

Les deux tours, dont les promoteurs annoncent la fin de la construction pour 2016, représentent un investissement de près de deux milliards d'euros. Du jamais vu pour un investissement russe en France. Un projet auquel Nicolas Sarkozy tient particulièrement car il est le clou du projet de renouveau du quartier d’affaires lancé en 2006 par… Nicolas Sarkozy, alors président du Conseil Général des Hauts-de-Seine.

En tout, plus d'une vingtaine d'accords économiques et de contrats entre des entreprises françaises et russes valorisés à environ 5 milliards d’euros ont été signés ou officialisés à l’occasion de la venue du chef d’Etat français dans l’ancienne capitale des Tsars.

« Je veux dire combien je suis satisfait de l'évolution spectaculaire des relations économiques entre nos deux économies, spectaculaire en volume (...) et spectaculaire quant à la diversification de nos activités communes », s’est félicité Nicolas Sarkozy lors de la conférence de presse finale.

Devant un parterre constitué de grands patrons internationaux, Nicolas Sarkozy a redit sa conviction que l'UE et la Russie devaient « travailler ensemble, de façon stratégique, de façon très proche et dans un rapport de confiance ».

Les accords annoncés, signés ou officialisés samedi représentent, selon Paris, plus de trois milliards d'euros d'investissements français en Russie, deux milliards d'investissements russes en France, plus de 2,5 milliards d'euros de contrats pour les entreprises françaises et 400 millions de contrats pour les entreprises russes.

Les accords les plus massifs concernent, pour ne pas changer, le secteur de l’énergie. Comme prévu, GDF-Suez a finalisé sa prise de participation dans le gazoduc North Stream, aux côtés du géant russe Gazprom, des entreprises allemandes EON et BASF et du néerlandais Gasunie. En mars, le groupe français avait déjà signé un protocole pour l'achat de parts aux partenaires allemands de Gazprom (4,5 % à E.ON et 4,5 % à Wintershall) afin de devenir actionnaire à 9 %. EDF a confirmé sa prise de participation de 10%, aux côtés de l'italien ENI et de Gazprom, dans la société South Stream AG pour participer au projet de construction de l'autre gazoduc destiné à approvisionner l'Europe, via la mer Noire. Les deux gouvernements ont en outre signé une déclaration politique sur la création d'un « centre franco-russe pour l'efficacité énergétique », dont Paris attend d'importantes retombées économiques à l'avenir.

Côté industrie des transports, Alstom a confirmé son alliance avec le constructeur russe de trains Transmachholding pour fournir 200 locomotives aux chemins de fer kazakhs. Une vente pesant au bas mot un milliard d’euros. Un accord pour la fourniture d'autant de motrices aux chemins de fer russes devrait être paraphé « d'ici quelques jours », selon l'Elysée. Depuis longtemps associé au russe Roskosmos, Arianespace a signé avec ce dernier un contrat de 400 millions d'euros pour l'acquisition de 10 lanceurs Soyouz. Dix fusées avaient déjà été achetées pour les premiers futurs lancements de satellites à partir de la base guyanaise de Kourou, fruit d'un accord franco-russe de 2003.

Danone a aussi pris une décision très remarquée en signant avec le russe Unimilk un contrat pour la création d'une entreprise commune qui sera le numéro un de la filière laitière en Russie - un investissement de 1,3 milliard d'euros pour le groupe agroalimentaire français.

Convergence diplomatique

Même si, comme ne l’a pas caché le président français, la visite était « essentiellement économique », elle comportait également un important volant diplomatique.

« Rarement dans l'Histoire les relations entre la Russie et la France ont été à ce point ambitieuses, sans nuage et pleines de confiance réciproque », a déclaré Nicolas Sarkozy devant la presse à l'issue d'un entretien avec Dmitri Medvedev. « La guerre froide, c'est fini. Le mur [de Berlin], c'est fini. La Russie est une grande puissance, nous sommes des voisins, nous avons vocation à être des amis, nous devons nous rapprocher », a-t-il lancé devant les participants au Forum économique international. Le président français s’est tout particulièrement félicité de la convergence de Moscou sur le dossier de l’Iran. Il a salué la décision russe de s'associer aux sanctions adoptées par le Conseil de sécurité de l'ONU au début du mois contre l'Iran, affirmant que « rien n'aurait été possible s'il n'avait fait et assumé ce choix ».

Nicolas Sarkozy a aussi tenté d'enrôler Dmitri Medvedev dans la croisade de l'Union européenne pour plus de régulation financière, une taxe sur les banques et la taxation des transactions financières, à une semaine des sommets du G8 et du G20 où ils se retrouveront. Pour l’instant, Moscou n’y est pas favorable.

Le président français profitait de sa participation au 13e Forum économique international de Saint-Pétersbourg pour tenter de raccrocher les wagons avec l'Allemagne, qui reste loin devant la France le premier partenaire économique de la Russie. Paris s’inquiète en effet de l’intérêt croissant de Berlin pour l’Orient au détriment de l’axe franco-allemand (symbolisé par Siemens délaissant sa fusion avec Areva pour le russe Rosatom). L'Elysée craint aussi que la France, déjà très en retard par rapport à la 1ère économie d’Europe sur le front oriental, ne se laisse définitivement distancer par des Allemands très entreprenants en Russie. Berlin ne se contente plus d’être le premier partenaire économique de Moscou mais cherche aussi à prendre la place traditionnelle de Paris comme partenaire diplomatique et politique privilégié du Kremlin.

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