Sur les traces de Cendrars (+Diaporama)

15 écrivains français traversentle continent de Moscou à Vladivostokà bord du Transsibérien.Crédits photo : Andreï Zvezdenkov

15 écrivains français traversentle continent de Moscou à Vladivostokà bord du Transsibérien.Crédits photo : Andreï Zvezdenkov

Le 28 mai, les passagers au départ de la gare de Iaroslavl ont dû se frayer un chemin à travers une foule compacte et inhabituelle amassée sur le quai. C’est qu’on n’embarque pas une délégation d’écrivains français sans y mettre les formes. Au son d’une fanfare militaire et dans une nuée de ballons bleu-blanc-rouge lâchés par des enfants chantant à tue-tête une chanson populaire, le Transsibérien des écrivains quittait la capitale pour un périple de 20 jours. Dans le cadre d’une opération croisée des chemins de fers russes et français (année France-Russie oblige), les plumitifs ont emboîté le pas à leur illustre prédécesseur Blaise Cendrars, de Moscou à Vladivostok, à l’assaut de la Russie profonde.

La plupart ne sont jamais venus en Russie, mais beaucoup en ont rêvé. Tous attendent que leur accointance du pays et de ses espaces infinis, de littéraire devienne réelle.

Au programme, les bibliothèques, universités, librairies, Alliances françaises de Nijni-Novgorod, Kazan, Ekaterinbourg, Novossibirsk, Krasnoïarsk, Irkoutsk, Oulan-Oude, et Vladivostok, où les attendent les éternels amoureux de la France, qui ne sont souvent jamais sortis de leur région d’origine. À chaque rendez-vous, quelques dizaines de lecteurs, parfois érudits, indéniablement curieux, ravis surtout de pouvoir serrer la main d’un écrivain qu’ils ne connaissent pas toujours, mais liront sans faute. Pourtant, l’émotion est surtout du côté des voyageurs français. « C’est difficile de vous dire ce que nous ressentons, à chaud. Le sentiment de la rencontre est trop fort. Il se développera dans le temps, et prendra forme dans le souvenir », s’excuse Sylvie Germain devant les hôtes d’Irkoutsk qui la pressent de s’exprimer sur ses impressions baïkaliennes.

Ils voulaient la vraie Russie, loin des capitales. Ils l’ont eue. Certaines tables rondes ne manquent pas de surprendre. « C’est incroyable ! Ils nous ont accusés de ne rien connaître de la Russie que les ours et la vodka ! » s’emporte Dominique Fernandez, à l’issue d’un débat avec des lecteurs. Pendant ce temps, Guy Goffette et Jean Echenoz étaient aux prises avec les habitués de la Maison des écrivains qui exigeaient que l’on cesse d’utiliser des gros mots dans la littérature, parce que ça corrompt l’âme et l’esprit. Mais les villes et leurs hôtels ne sont que des haltes. La véritable aventure, c’est le chemin de fer.

Deux semaines sur les rails, et les usages de la vie de train n’a plus de secrets pour eux. Installés dans des compartiments confortables, les écrivains ont pris les habitudes des voyageurs des grandes lignes. Les soirées sont faites de promenades dans les couloirs, en chaussons, de dégustation joyeuse de vodka tiède, et de conversations interminables sur le sens du voyage et de la littérature, dans la fumée dense de cigarettes, entre deux wagons. « Je parcours le même chemin que les héros de mon Carnet de route imaginaire d’un combattant de la Légion tchèque, qui s’est emparée du Transsibérien pendant la Première Guerre mondiale, explique Kris, scénariste de BD, et je réalise un rêve de gosse ». « Tous les matins, on met les montres à l’heure. Le train avance et le soleil retarde », écrivait nerveusement Cendrars dans sa Prose du Transsibérien . Il y a sept heures de décalage horaire entre Paris et Oulan-Oudé. Chaque nuit passée sur les rails raccourcit un peu la journée qui suit. Ce qui ne l’empêche pas d’être longue et chargée. L’objectif de l’entreprise ne se réduit pas à présenter les écrivains français aux Russes. Il s’agit aussi de les initier aux trésors lointains et insoupçonnés de la Russie des confins. « Ce voyage va changer ma vie. Je m’attendais à quelque chose de très protocolaire. Mais c’est une aventure géographique et humaine inouïe », s’émerveille Maylis de Kerangal, en escaladant une colline qui surplombe les vastitudes verdoyantes de la région bouriate.

L’immersion est assurée : l’après-midi est passé dans une famille de Vieux-Croyants, qui n’hésitent pas à accoutrer Danièle Sallenave et Dominique Fernandez de costumes traditionnels pour jouer le rituel des épousailles, déclenchant l’hilarité de leurs confrères français. De bonne foi, les écrivains et les journalistes qui les accompagnent, se prêtent à toutes les mises en scène, émerveillés comme des enfants face à un monde qu’ils découvrent. Certes, ils auront vu quelque chose d’une autre Russie, et ils auront sans doute attrapé la maladie du voyage qui rongeait Blaise Cendrars. Le seul regret, c’est que pour comprendre pleinement le pays et ses habitants, il vaut mieux voyager en troisième classe, mêlé au commun des voyageurs et aux senteurs de poulet fumé et de cornichons.

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