Nos alliés : Japon et Allemagne

Dmitri Trenine

Dmitri Trenine

L’objectif principal de la politique extérieure de la Russie consiste aujourd’hui à attirer des ressources extérieures afin de moderniser le pays.
L’Union européenne est le principal partenaire dans la cause de la modernisation. Parmi tous les pays de l’UE, c’est avec l’Allemagne que la Russie possède les relations bilatérales les plus intenses. Aussi surprenant que cela puisse paraître, le pays qui a déchaîné la pire guerre dans l’histoire de la Russie, il y a 70 ans, en est aujourd’hui le meilleur ami occidental.

La situation est différente en Orient. Le plus grand pays voisin de la Russie est la Chine. L’économie chinoise connaît un grand essor ces quatre dernières années. La Chine a mieux supporté la crise économique internationale que d’autres grands pays et a détrôné l’Allemagne comme exportateur numéro un dans le monde. Elle devrait également remplacer bientôt le Japon comme deuxième économie mondiale, en termes de parité de pouvoir d’achat. Le volume du commerce russo-chinois représentait 56 milliards de dollars en 2008, ce qui est inférieur aux chiffres d’affaires du commerce avec l’Allemagne (67 milliards de dollars).

Néanmoins, le niveau technologique actuel de l’économie chinoise n’étant pas suffisamment développé, ce pays ne peut pas jouer un rôle majeur dans la modernisation de la Russie. Les relations avec la Chine sont incontestablement cruciales pour la Russie, mais pour d’autres raisons. En effet, les terres orientales russes, longeant la frontière chinoise sur plusieurs milliers de kilomètres, sont à la fois riches en ressources naturelles et quasiment inexploitées par rapport aux autres territoires chinois contigus.

Sans une profonde intégration dans l’espace économique, routier et humanitaire national des régions situées sur la côte pacifique de la Russie, l’intégralité du pays restera virtuelle. Sans intégration de la Russie tout entière, de Vladivostok à Saint-Pétersbourg, dans l’espace économique Asie-Pacifique, le pays continuera de rester en périphérie des économies du monde les plus dynamiques.
Pour cela, la Russie a besoin d’avoir un partenaire fiable, tant à l’Est qu’à l’Ouest. Ayant une économie très développée et les technologies les plus modernes, le Japon présente la principale candidature pour ce partenariat. Ce pays ne crée pas de danger militaire pour la Russie, il est géographiquement proche et sa diplomatie est relativement prévisible.

Les relations économiques russo-japonaises se développent avec succès, malgré 65 ans de litige territorial concernant les Kouriles du sud. Le volume du commerce entre la Russie et le Japon représentait 29 milliards de dollars en 2008. Les Japonais achètent le gaz de Sakhaline et produisent leurs voitures près de Saint-Pétersbourg. Comme toujours en pareilles circonstances, les questions d’investissements étrangers dépendent essentiellement du climat d’investissement dans le pays qui les accueille.

C’est en coopérant avec ses anciens ennemis que la Russie remportera la plus grande victoire de ce début de siècle


Pourtant, le problème territorial en suspens réduit considérablement les perspectives de collaboration. Les relations avec l’Allemagne n’auraient jamais été si chaleureuses aujourd’hui, si le statut de Kaliningrad n’avait pas été défini. D’ailleurs, cela concerne également les rapports avec la Chine. Ce n’est pas par hasard que Poutine a affirmé qu’il considérait le règlement du problème territorial avec la République populaire de Chine comme la plus grande réussite de sa politique extérieure. À l’époque, le Kremlin a bien réalisé que la Russie n’avait pas intérêt à reporter le règlement de cette question.
Dans les relations avec le Japon, une autre logique a prévalu. Comme le consensus n’est toujours pas atteint, ce problème insulaire devra être transmis aux futures générations. Au bout du compte, l’expansionnisme nippon est moins redouté que l’expansionnisme chinois.

Cette logique empêchera de saisir les chances qui se présentent. Et même si la Russie peut vivre sans régulariser ses frontières avec le Japon, la situation en Asie du Nord-Ouest continue de changer au détriment de la Russie. Entre-temps, la comparaison du niveau de développement des villes frontalières russes avec la situation des voisins japonais, sud-coréens et même chinois devient de plus en plus incongrue. Le bilan d’une telle évolution peut s’avérer dommageable.

La Russie a besoin d’une
« Allemagne de l’Ouest ». Le Japon peut et doit jouer ce rôle. Éluder cette question territoriale est peu perspicace, renvoyer la balle aux futures générations est irresponsable. Et même s’il s’avère difficile de trouver un compromis acceptable pour les deux pays, qui pourrait satisfaire tout le monde, il est grand temps d’agir.

Dmitri Trenine est directeur du Carnegie Center à Moscou

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