Elle avait pour titre « Pékin Amour Paris » : l’exposition itinérante des photographies de Charles Vapereau a été présentée pour la première fois dans la capitale française en 1894, à l’issue d’un voyage de 112 jours depuis la France jusqu’en Chine. Avec un peu d’imagination, on peut penser que le mot central, « amour », désigne Moscou, puisque le périple du photographe passait forcément par l’Empire russe. Il va de soi que ce n’est qu’une présomption, mais elle est aussi agréable que vraisemblable. Toujours est-il qu’en avril et mai, la collection de Vapereau effectue une tournée russe, de Perm dans l’Oural jusqu’à Rostov-sur-le-Don et Moscou. Simultanément, le ballet de Lyon sillonne le pays avec « Giselle » revisitée par le Suédois Mats Ek, adulé du public russe.
En avril également, trois exposition se font écho : à l’Hermitage de Saint-Pétersbourg, la « Collection de la Manufacture de Sèvres : XXe-XXIe siècles » ; à Moscou, « Paris vu par les peintres russes de la première partie du XXe siècle » ; et à Paris, « Nés en URSS, élevés en France ». Tout le monde sait que la capitale française a attiré les peintres russes, avant et après la révolution de 1917. Ces expositions d’artistes aussi célèbres que Chagal, Annenkov ou Soutine ne manquent pourtant pas de surprendre en ce qu’elles révèlent de nouvelles dimensions dans leurs œuvres et prouvent que l’on pouvait être russe et français à la fois, et participer des deux cultures en unissant leurs richesses. La collection de Sèvres, véritable découverte, présente l’étroite collaboration des maîtres russes (Boulatov, Steinberg, Poliakov) dans l’art de la porcelaine, et démontre une fois de plus que nos cultures sont définitivement complémentaires.
C’est ce que confirme aussi le programme musical, théâtral et littéraire du mois d’avril dans les centres régionaux français. Le Festival Pouchkine à l’Opéra de Lyon présente « Eugène Onéguine », « La Dame de Pique » et « Mazeppa » de Tchaïkovski. Strasbourg et Rosheim se sont mises au russe : semaine du cinéma, soirées littéraires et musicales, journées de la cuisine russe. Le point d’orgue de cette programmation est le spectacle « Le Rêve de l’oncle de Dostoïevski », mis en scène par l’immense Temour Tchekhidze, dans la plus pure tradition du théâtre psychologique russe. La troupe merveilleuse du Grand Théâtre dramatique de Saint-Pétersbourg, guidée par ses coryphées, Alissa Freindlich et Oleg Bassilachvilli, présente un monde d’illusions et de leurres, aussi drôles que tragiques, comme toute vie humaine, en somme.
Le mois de mai en Russie et en France promet d’être tout aussi riche en manifestations culturelles dans l’une comme dans l’autre. Tous se dérouleront à l’aune de notre fête commune, les 65 ans de la victoire sur le nazisme. Pour la première fois dans notre histoire d’après-guerre, les soldats français défileront sur la Place Rouge aux côtés des militaires russes, ceux d’autres pays de la CEI et du bloc antihitlérien. Pour nous rappeler que c’est grâce à cette victoire remportée ensemble que nos Muses parlent en chœur, haut et fort.
Michail Chvydkoï est Comissaire du Comité d’organisation pour la Russie de l’Année France-Russie et ancien ministre de la Culture
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