Mon concitoyen peut parfois se méprendre, s’il ne reconnaît pas un visage familier. Mais en réalité, il est fort rare aujourd’hui qu’on nous confonde avec d’autres. Il est encore bien trop tôt pour parler du charme discret de la bourgeoisie russe. C’est réservé au futur lointain. En attendant, le cri à travers tout le terminal 2E de Roissy -« Eh Zina, t’as trouvé ton sac ? » - reste notre marque déposée. Et la paire de Louboutin aux pieds ne trompe personne. Alors que la gamine tire sa mère par la manche : « Maman, crie pas » .
Les enfants sont différents. Notre jeunesse se fond totalement dans la foule parisienne. Elle ressemble par son comportement, son pas assuré, les muscles du visage détendus, une négligence dans l’accoutrement. Les adultes n’ont pas cette expression et ça ne changera pas. Pas plus qu’ils ne possèdent cette facilité de communiquer, même lorsqu’il possèdent parfaitement la langue...
Un jour, mon fils est venu me rendre visite, de Moscou, avec ses amis. Ils m’ont prévenue qu’ils allaient manger des huîtres dans un bar à Montparnasse. J’ai promis de les rejoindre. Cette joyeuse bande, quel spectacle ! L’un avec un piercing, l’autre avec un « tunnel » dans le lobe, le troisième avec un tatouage... Dans le Marais ou à Bastille, ils ont l’air de parfaits autochtones. Ici, parmi les habitués de ce restaurant traditionnel, on aurait dit des extraterrestres.
À mon arrivée, la compagnie bariolée s’était déjà installée sur la terrasse spacieuse, mais mal chauffée, alors qu’il y avait des tables vide à l’intérieur. Un couple de Français sympathiques, d’un certain âge, s’était joint à eux. Je compris plus tard que la direction du restaurant avait cherché à se protéger contre l’invasion des extraterrestres en déclarant que toutes les tables étaient réservées. Les Français, arrivés en même temps, avaient essayé de défendre les Russes. On finit par leur concéder la terrasse. Pour remercier les Français de leur soutien, les jeunes les invitèrent à dîner.
Maintenant, ils débattaient en riant de la différence entre le Plateau Prestige et le Plateau Royal.
- Ils ne vous ont pas trop effrayés, mes jeunes ? - demandai-je.
- Vous pensez ! Notre petit-fils ressemble exactement à ça.
- Mais ceux-là sont russes. Et s’ils se saoulaient et commençaient à faire n’importe quoi ?
La dame, parée d’un merveilleux collier de perles, sourit : « Il n’y a que nous qui ayons pris du vin pour l’instant. Eux sont à l’eau et au coca... »
Natalia Gevorkian est correspondante à Paris du journal Kommersant
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.