«Papa, non, je ne peux pas rester longtemps », dis-je à mon père quand il m’appela l’autre soir. « Je tente un nouveau bœuf Stroganoff.»
Mon père grogna, frustré. Les médecins américains ont collé tous les ingrédients du bœuf Stroganoff sur la liste noire de leurs patients sexagénaires.
«Quand nous nous sommes mariés avec ta mère », dit-il avec nostalgie, «nous mangions du Stroganoff au moins une fois par semaine… j’adorais ça.» Il soupira avant d’ajouter : « Je n’ai plus droit qu’aux lentilles et au poisson.»
Ça m’a fait réfléchir: mon père s’est marié pendant l’acmé de la paranoïa anticommuniste aux États-Unis, connue sous le nom de « Peur rouge ». Comment ce plat tellement russe a-t-il pu devenir un « must » des dîners américains?
La réponse nous emmène presque à l’autre bout du monde, et loin dans le temps, au XVIIe siècle, quand le mets fit son apparition sur les tables des aristocrates russes. Les origines du bœuf Stroganoff sont claires. Le cuisinier français du comte Pavel Stroganoff, un fin gourmet, adapta une recette classique de fricassée de bœuf au palais russe de son maître, en ajoutant de la crème fraîche, et en donnant au plat le nom du comte, selon la tradition qui mariait les riches aristocrates à la riche nourriture. Cette tradition nous donnera peut-être un jour des raviolis Abramovitch ou une oie Deripaska.
La révolution de 1917 éparpilla la noblesse russe et ses traditions aux quatre coins du monde. Les cuisiniers chinois empruntèrent la recette du Stroganoff à la communauté des Russes blancs de Harbin. Ils enlevèrent la crème, ajoutèrent des épices et le servirent sur du riz. De là, la recette fut exportée aux États-Unis dans les années 1940 par des militaires, pour s’établir solidement comme aliment de base dans les dîners, jusqu’à ce que le cholestérol remplace le communisme en tant que démon de l’Amérique.
Pour sauver le bœuf Stroganoff, et boucler la boucle autour du globe, nous le ramenons en Europe, restaurons les ingrédients d’origine, et le servons à la russe : avec des pommes de terre sautées et des cornichons au sel.
Ingrédients:
600 g de steak d’aloyau, mariné dans de la sauce soja ou Worcester pendant une heure
400 g de champignons de Paris, coupés et sautés dans du beurre et du vin blanc
1 cuiller à soupe de poudre de moutarde sèche
1 cuiller à soupe de sucre
Poivre noir moulu
1 cuiller à soupe d’huile végétale
1 oignon moyen finement haché
2 cuillers à soupe de concentré de tomate
4 cuillers à soupe de farine
80 ml de vin blanc ou de vermouth
350 ml de bouillon de bœuf
120 ml de crème fraiche
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Préparation:
1. Faites sauter les champignons dans le vin blanc et le beurre et mettez de coté
2. Mélangez la poudre de moutarde et le sucre avec deux cuiller d’eau chaude jusqu’à l’obtention d’une pate.
3. Huilez une sauteuse et chauffez jusqu’à ce que ça fume. Séchez la viande marinée et faites roussir des deux cotés. Mettez de coté.
4. Ajoutez les oignons, les champignons, le poivre et ½ cuiller à thé de gros sel et faites dorer pendant 5 minutes. Ajoutez le concentré de tomate et la farine et laissez cuire jusqu’à ce que les légumes soient enrobés.
5. Ajoutez le bouillon, le vin et la pate de moutarde. Faites frémir et grattez le fond de la sauteuse pour détacher les morceaux roussis.
6. Baissez la température et laissez cuire jusqu’à ce que la sauce épaississe (5 minutes)
7. Coupez en lamelles la viande cuite, environ 7 mm d’épaisseur. Ajoutez la viande et son jus à la sauce et laissez cuire jusqu’à ce que le bœuf soit chaud.
8. Enlevez la sauteuse du feu et laissez refroidir jusqu’à ce que le frémissement cesse. Ajoutez la crème fraiche et une cuiller à soupe de vin blanc. Servez avec du persil.
Note: le bœuf Strogonoff classique ne nécessite aucune épice supplémentaire mais je pique l’idée aux cuisiniers chinois et ajoute du paprika ou une pincée de piment de Cayenne, pour relever un peu. Corrigez l’assaisonnement selon votre gout.
Servez avec des pommes de terre sautées et des gros cornichons au sel, du vin rouge, ou, comme le comte Pavel, avec un verre de vodka glacée ! Invitez votre père à diner, et ne le dites pas à son cardiologue.
Bon appétit!
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