Appel au secteur privé

Les entreprises qui, comme Sovkomflot, figurent sur la listedes actifs stratégiques ne peuvent, en principe, passer sousle contrôle de capitaux étrangers

Les entreprises qui, comme Sovkomflot, figurent sur la listedes actifs stratégiques ne peuvent, en principe, passer sousle contrôle de capitaux étrangers

L’État russe cherche à réduire la part qu’il détient dans le secteur économique du pays au cours des prochaines années. Si certains se montrent sceptiques, le gouvernement n’a jamais caché son intention de miser sur la privatisation, à laquelle il va de nouveau faire appel pour gonfler ses recettes.
Le terme « privatisation » reste un mot entaché de connotations négatives pour de nombreux Russes. Le chaos qui a suivi la chute de l’Union soviétique, les chocs économiques provoqués par la libéralisation soudaine du marché et les trafics d’influence qui sont à l’origine de la formation des clans d’oligarques ont profondément marqué la conscience collective. Elles reviennent pourtant, ces mêmes privatisations qui ont vu des actifs de l’État valant des milliards échangés contre quelques poignées de dollars dans les années 1990, et qui donnent encore lieu à des sarcasmes quotidiens à la télévision et en première page des journaux.

Malgré cela, les dirigeants politiques actuels ont toujours affirmé que les entreprises privées devraient occuper une place prépondérante dans l’économie. En septembre dernier, le premier vice-premier ministre Igor Chouvalov a prédit que l’on pourrait privatiser au moins partiellement jusqu’à 5 500 entreprises au cours des années à venir, dont 449 qui seraient mises sur le marché en 2010. Le mois dernier, il a annoncé que le plan de privatisation de cette année serait considérablement étendu.

Il convient de noter que, parmi les entreprises figurant dans la liste établie initialement, certaines sont à peine rentables et font l’objet de négociations depuis des années sans trouver acquéreur. Maintenant qu’un choix d’actifs plus intéressants va bientôt être disponible, la communauté d’investisseurs devra attendre avant de pouvoir s’emparer d’une plus grande partie des joyaux de la couronne qu’elle convoite : le secteur du pétrole et du gaz naturel, le secteur bancaire et d’autres valeurs de premier ordre.

Parmi les sociétés les plus attractives qui sont désormais certaines de faire l’objet de privatisations (par exemple l’actif de production d’énergie TGK-5 et trois grandes compagnies d’assurance), le gouvernement ne renoncera qu’à des intérêts mineurs ou à une minorité de blocage. Parmi les entreprises entièrement détenues par l’État et qui sont certaines d’être mises sur le marché, la société de construction Mosmetrostroi devrait susciter le plus grand intérêt. Dans le secteur des infrastructures, les parts dans les ports maritimes de Mourmansk et de Novorossisk et dans la compagnie de navigation Sovkomflot présentent le plus de chances d’avoir la faveur des investisseurs. Mais elles figurent en principe sur la liste des actifs stratégiques dans lesquels les participations étrangères sont restreintes. Il revient au président russe de rayer ces actifs de la liste.

Selon Ivan Ivanchenko, stratège et économiste en chef à la banque VTB Capital, « la crise n’a fait qu’accentuer la volonté gouvernementale prioritaire de sortir de la dépendance à l’égard du pétrole ». Dans cette optique, M. Medvedev a publié en février une liste d’initiatives et de dates limites visant à améliorer le climat des investissements en Russie. La privatisation est un des quelques leviers dont le pays dispose pour attirer les investissements directs étranger en Russie en ce moment. Cela n’a pas toujours été le cas et la participation de l’État dans l’économie russe a considérablement augmenté depuis 2004 : de 25 à 30% à plus de 50% selon la majorité des estimations. C’est en grande partie le fruit d’un effort concerté pour reconquérir les actifs dont s’étaient emparés les oligarques, même si la campagne de renationalisation ne s’est pas faite sans dégâts.

En même temps, les dirigeants politiques savent qu’une injection de capitaux ne sera pas suffisante à elle seule. Ainsi cette déclaration récente de source gouvernementale : « Il apparaît évident aux yeux de tous que [les entreprises placées sous la surveillance du gouvernement] sont trop nombreuses. Il est impossible de gérer cette masse énorme efficacement ». Un mode de gestion privé ainsi que l’expertise et la technologie étrangères sont les pierres angulaires du combat que mène le Kremlin pour diversifier et moderniser l’économie. Cela concorde avec l’hypothèse d’Angelika Henkel d’Alfa Bank selon laquelle la plupart des entreprises citées sur la liste « se prêtent plus au rachat par des investisseurs stratégiques qui possèdent déjà des intérêts significatifs dans ces entreprises ». On s’attend ainsi à ce que la part de l’État de 25% + 1 dans la société TGK-5 se retrouve aux mains de la partie prenante principale, la compagnie énergétique KES-Holding, tandis que les 25% détenus par l’État dans la compagnie de navigation Sovkomflot seront très probablement repris par un partenaire également.

En fait, peu d’entreprises parmi celles citées sur la liste semblent prêtes à être introduites sur les bourses russes ou internationales, malgré l’affirmation de M. Koudrine en décembre dernier selon laquelle la majorité des privatisations à venir ne se ferait pas par « une vente de parts dont le produit irait directement dans le budget de l’État, mais par une introduction en bourse ». Par exemple, même si une entreprise comme Mosmetrostroi se révélait être attractive, la participation de 100% dont le gouvernement souhaite se décharger serait susceptible d’excéder les capacités limites des entrées de fonds en Russie et aurait des difficultés à concurrencer les sociétés déjà solidement cotées en Bourse.

Par conséquent, même si le gouvernement espère clairement marquer des points en relations publiques par sa campagne de privatisation (le Financial Times cite un fonctionnaire du gouvernement qui suggère que ce mouvement « révèlera au monde entier le libéralisme du gouvernement »), nombreux sont ceux, parmi les investisseurs, qui restent apparemment peu impressionnés par la liste de noms établie jusqu’à présent.

Une question majeure concerne les délais que s’accordera le gouvernement pour mettre les principaux actifs sur la table. Les dirigeants politiques devront d’abord réussir à faire adopter la campagne de privatisation en dépit des droits acquis, y compris au sein de leur propre organisation, ainsi que la nécessité de la restructuration avant que ne soit suivie d’effet l’invitation qu’ils ont lancée aux acteurs privés de devenir plus engagés dans les géants de l’État russe et d’autres actifs attractifs. Il faudra également attendre que les flux d’investissements reprennent et que l’appétit pour le risque se renforce. Tout comme les autres États de par le monde qui détiennent des actifs majeurs, les autorités russes n’ont aucune intention de vendre les leurs au rabais.

Ce qui toutefois ne fait pas débat, c’est la décision du gouvernement de renoncer à sa participation majoritaire dans les plus grandes entreprises du pays dans un avenir proche. Ce point met les commentateurs dans tous leurs états et, en effet, les droits des actionnaires minoritaires sont fréquemment ignorés en Russie.

En réponse, M. Ivanchenko prétend que les actions en justice intentées par les investisseurs ont connu plus de succès récemment : « la situation s’améliore lentement ».

En même temps, les géants de l’État russe offrent des revenus si stables et attractifs que peu de gestionnaires de fonds peuvent s’armer de suffisamment d’idéalisme pour les mettre sur la liste noire. De plus, dans un pays où la corruption et la criminalité règnent si souvent sur les entreprises, il est peut-être plus sûr d’être main dans la main avec l’État. –

Infrastructures

Certains analystes comme Angelika Henkel d’Alfa Bank pensent que les infrastructures resteront l’objectif immédiat de la campagne de privatisation. « La compagnie de transport Chemins de Fer Russes (RJD) et la compagnie aérienne Aeroflot pourraient tout à fait être privatisées au cours des quelques prochaines années », suggère-t-elle en soulignant qu’il s’agira d’une lourde tâche pour ces compagnies énormes de se préparer à une introduction en bourse qui constitue « la façon préférable d’entreprendre une privatisation pour les grosses entreprises ». En attendant, RJD a annoncé à la fin février son projet de vendre des parts dans différentes filiales d’ici 2012. Convaincre les investisseurs d’investir dans Aeroflot n’est pas une mince affaire, connaissant les difficultés de l’ancien monopole aérien à faire des bénéfices en situation hautement concurrentielle. Mais au moins Aeroflot est déjà coté en bourse, contrairement à RJD, dont la gestion reste largement opaque.


Secteur bancaire

Le Kremlin est-il sur le point de réduire sa participation dans les deux principales banques du pays ? Le président de Sberbank German Gref a fait bondir la spéculation sur ce titre en janvier en le laissant entendre. Selon lui, le gouvernement pourrait réduire sa part, actuellement de 57,6% dans la première banque du pays. Jusqu’à une simple minorité de blocage (25%). Il est peu probable qu’il se soit exprimé sur le sujet sans avoir reçu un feu vert préalable. Cependant, Sberbank, qui est bien gérée, ne semble pas une priorité. C’est en tous cas ce que pense le ministre des finances Alexeï Koudrine, qui suggère plutôt de considérer le cas plus urgent de la seconde banque du pays, VTB. La part supplémentaire que le gouvernement a récemment obtenue en échange d’une injection de capitaux à hauteur de 6 milliards de dollars dans VTB pourrait constituer le point de départ idéal pour un placement secondaire. Encore faut-il que la situation sur les marchés financiers se stabilise.

Groupes pétroliers

Les géants énergétiques russes sont la force motrice de l’économie russe et resteront sous contrôle du gouvernement. Cependant, ils sont également au centre de la campagne menée par le gouvernement pour inverser la tendance à la baisse de la production de pétrole et de gaz naturel et ils ont des défis de taille à relever : à la fois en termes d’investissement et de capacité technique. Le géant pétrolier d’Etat Rosneft est régulièrement cité comme pouvant faire l’objet d’un placement secondaire.
Le poids stratégique des compagnies Gazprom et Rosneft, par l’influence géopolitique qu’elles exercent, est souvent surestimé mais reste une réalité. Mais c’est la compagnie pétrolière Transneft, qui détient et gère le réseau russe d’oléoducs, qui a le poids stratégique le plus important. Toute privatisation serait une déclaration d’intention sérieuse concernant le mouvement de libéralisation de l’économie mais peu d’investisseurs y croient vraiment.

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