Source : krymedia.ru
RBTH : Comment comptez-vous transformer la Crimée ?
Manuel Nuñez-Yanowsky : L'été dernier, j'ai constaté dans quel état se trouvait la Crimée : les villes, comme partout en Russie, sont défigurées par les barres d'immeuble construites sous Khrouchtchev. Les cités rappellent les favelas brésiliennes, où les maisons sont surélevées de manière chaotique. J'ai vécu à Hourzouf et en visitant les environs, j'ai vu comment on construisait des chambres sur les toits pour les louer aux touristes.
Et j'ai eu envie d'y créer une entreprise de construction. Pour qu'il soit possible de construire des maisons agréables à vivre et pas des boîtes, comme les gens continuent de le faire aujourd'hui. Pour cela nous construisons une usine de production de béton armé et de béton de couleur, ainsi qu'un centre de formation. Avec ces constructions nous pourrons réduire le coût du logement et diversifier ses formes. C'est par là que je compte commencer.
RBTH : Que pensez-vous de l'architecture de Moscou ?
M. N.-Y. : Jusqu’à la troisième ceinture périphérique, Moscou ressemble encore à cette ville d'avant-guerre que Joseph Staline avait commencé à créer. Il a donné à Moscou les dimensions d'une capitale.
Les architectes de la période stalinienne – Chtchoussev et son équipe – avaient une perception très juste de l'image de Moscou comme ville et capitale : du Kremlin partaient des rues en rayons; et la ville était entourée de sept tours très hautes. Cela permet de voir l'image de la ville. Si cette image claire est perdue, c'est contraire à votre religion et à votre culture.
Aujourd'hui Moscou ressemble à Paris ou Los Angeles. Elle s'est transformée en sorte de bestiaire biologique, et les régions périphériques ont été construites de manière complètement chaotique. Même si malgré tout, vue de haut, la ville est belle.
Les dimensions architecturales russes sont très humaines. Si on se rappelle notre période gothique – Dieu était quelque part, loin, au-dessus. Mais quand tu rentres dans une église de Vieux croyants orthodoxes, tu te sens comme dans la coque d'un œuf. C'est très beau.
Vos icônes sont très importantes. Quand je regarde n'importe quelle icône je vois une image, finie, achevée. Ou l'iconostase, également clairement décoré, sans trop en rajouter : pour moi c'est justement l'armée céleste. C'est pour vous un tout. Tout comme il faut considérer la ville. Tant que vous ne revenez pas à la création de l'image, vous ne rétablirez pas la capitale. Aujourd'hui, Moscou n'est pas comme ça.
Moscou doit trouver son « Moi ». L'architecture russe est riche. Mais aujourd'hui elle semble très pauvre. Une ville doit avoir des frontières, sans quoi il ne peut pas se dégager d'image. Et elle paraît floue et déformée.
RBTH : Est-ce que certaines villes russes ont conservé leur unité visuelle ?
M. N.-Y. : Oui, les villes de l'Anneau d'or. Même si elles ont « débordé » de leurs fortifications. Par exemple, quand tu vas à Serguiev Possad, tu ne comprends pas immédiatement où tu as mis les pieds. C'est seulement quand tu atteins les murs du Kremlin que tu vois et ressens sa beauté et son ancienneté.
Manuel Nuñez-Yanowsky est le fils d'un républicain espagnol et d'une Russe, né en 1942 en Ouzbékistan, à Samarcande, et élevé à Odessa. Il est le co-fondateur de la compagnie SADE, qui a des bureaux à Paris et Barcelone. Ses projets sont mis en œuvre en France, en Allemagne, en Espagne, en Belgique, en Hollande ou encore en Algérie. Parmi eux : les Arènes de Picasso à Noisy-le-Grand, le siège de la police à Paris, l'Institut ESADE et le complexe innovant du Teatre Lliure de Barcelone. Il a également remporté en 2010 l'appel d'offres pour la construction d'un centre spirituel et culturel russe sur les rives de la Seine à Paris. Il a signé le contrat de construction en 2012 avec le maire de Paris.
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