Le photographe russe Gueorgui Pinkhassov s’expose dans le métro parisien

Paris. Gueorgui Pinkhassov. Source : ratp.fr

Paris. Gueorgui Pinkhassov. Source : ratp.fr

Depuis le 16 juin, les utilisateurs du métro parisien peuvent admirer les travaux du photographe russe Gueorgui Pinkhassov exposés dans plusieurs stations : Hôtel de Ville, Jaurès, Saint Michel, Porte de la Chapelle, Luxembourg et quelques autres. Une exposition vivante qui invite à réfléchir sur la mobilité urbaine. Pour ceux qui ne connaissent pas encore l’univers de Gueorgui Pinkhassov, RBTH vous invite à découvrir ce photographe de talent : il ne vous reste plus que quelques jours avant la fin de cette exposition inédite, qui se termine le 30 septembre prochain.

RBTH a rencontré Gueorgui Pinkhassov à l’atelier Magnum à Paris pour en savoir plus sur ses oeuvres et son parcours.

Quont voulu exprimer les organisateurs de cette exposition dans le métro parisien ? 

La RATP, qui gère les réseaux de transports (métro, tramway, autobus, etc.) dans divers pays du monde, m’a demandé d’immortaliser la mobilité urbaine à Casablanca, Florence, Londres, Paris et Séoul. 

Comment avez-vous interprétécette commande ? 

La RATP m’a donné carte blanche pour la réalisation de ce projet.

Bio

Gueorgui Pinkhassov est photographe, membre de Magnum photo depuis 1994. Né à Moscou en 1952, il est diplômé de l’Institut national de cinématographie de Moscou (VGuIK) et a débuté sa carrière comme photographe pour les studios de cinéma Mosfilm. En 1978, il rejoint l’Union Moscovite des arts graphiques et reçoit le statut d’artiste indépendant. A partir de 1985, Gueorgui Pinkhassov s’installe à Paris, où il vit et travaille aujourd’hui, notamment pour de nombreuses publications internationales.

Les lignes de transports que j’ai saisies ne transportent pas simplement des hommes et des femmes. En voyageant à travers les wagons de métro ou de tramways, en se déplaçant dans la ville en bus, les simples citoyens bénéficient non seulement d’un niveau de service élevé, mais accèdent également à un niveau de communication nouveau.

Au Maroc, par exemple, le projet RATP, la seule ligne de tram de Casablanca, a redonné de la fierté aux habitants. Il s’agit d’une artère de transport qui offre une certaine efficacité. Dans cette ville joyeusement désorganisée, elle a donné des repères et mis de l’ordre. Il s’agit d’une forme supérieure de communication sociale pour les résidents de Casablanca. Les passagers s’y comportent d’une manière totalement différente.

Comment les gens réagissaient-ils pendant vos prises ?

Dans chaque pays, les réactions étaient différentes, et le contraste que j’ai pu ressentir était très présent. D’un pays à l’autre, les passagers des transports en commun peuvent être très différents. Les Marocains, par exemple, veulent savoir pourquoi on les photographie. En Corée du Sud, les passagers n’ont émis aucune émotion négative : ce sont des gens très réservés. Au début, avec l’équipe de projet, nous pensions que ces différences étaient liées à la religion, mais je pense que la raison est ailleurs. Les différences sont liées aux modes de communications spécifiques à chaque société.

Casablanca. Gueorgui Pinkhassov. Source : ratp.fr

Comment se déroule la sélection des photographies ? Quelles sont les photos qui entrent dans la « collection finale » ?

La sélection des travaux ne représente pas la partie la plus difficile du travail. 95% des photographies sont immédiatement écartées. Les 5% restantes représentent ce tout dans lequel il va falloir choisir. Les photos qui entrent dans la collection finale ne représentent que 0.5-1% du volume initial du travail rendu.

Concernant les critères, je pense que la photographie doit d’abord être belle et élégante. Ensuite, et c’est un critère encore plus important pour moi, toutes les œuvres d’art contemporain doivent posséder une touche d’étrangeté et d’originalité. Mis à part les réalistes, tous les peintres sont très étranges. Si, dans un milieu social, l’être humain doit exprimer clairement ses pensées, les œuvres d’art se doivent quant à elles de n’être «pas de ce monde». C’est pourquoi il est essentiel de ne pas se perdre et de toujours repérer cette situation exceptionnelle pour ensuite la fixer. C’est mon critère à moi, puisque je suis dans le visuel. Ce qui m’importe, n’est pas le sujet de la photographie, mais son intégralité esthétique et son interprétation plastique.

Séoul. Gueorgui Pinkhassov. Source : ratp.fr

Quelle approche avez-vous vis-à-vis des projets que lon vous commande ? A quoi pensez-vous lorsque vous sortez de chez vous pour aller en reportage ?

En découvrant en permanence quelque chose de nouveau, en acceptant une mission (et notamment en photographiant), l’être humain travaille en conformité avec une ligne générale, une conception selon laquelle il s’est lui-même formé.

Cependant, je suis convaincu que le succès de la création ne dépend justement pas du degré d’application de cette ligne générale. Je pense au contraire qu’il ne faut pas du tout la suivre. Cette ligne générale, c’est une sorte de prétexte. Dans mon cas, c’est simplement un motif pour sortir de chez moi et photographier.

La ligne générale, c’est tout ce que vous avez déjà imaginé, et qui est en partie déjà connu et vu par quelqu’un avant vous. Ce n’est donc plus intéressant.

Le succès de la création, c’est lorsqu’en suivant votre ligne générale, vous vous heurtez brusquement à quelque chose de nouveau, d’inconnu.

Londres. Gueorgui Pinkhassov. Source : ratp.fr

Et vous avez déjàvécu ce hasard propice àla création ? Des exemples, peut-être ?

J’en ai des tas. Un jour, on m’a proposé de prendre part à un projet collectif. Je suis donc parti au Japon, en compagnie du groupe de photographes. A l’issue de ce voyage, le livre TOKYO TODAY a vu le jour, mais je suis resté mécontent du choix de mes photos pour ce projet.

Après quelques temps, j’ai décidé de faire une nouvelle sélection de photos de cette même collection. A l’époque (dans les années 90), les imprimantes modernes faisaient tout juste leur apparition, mais j’avais un ami qui travaillait dans une maison d’édition et qui m’a autorisé, de temps à autre, à utiliser son imprimante laser couleur. Comme je ne maîtrisais pas l’appareil à 100%, mes photographies sont sorties de tailles différentes. Au total, j’ai réussi à en imprimer 25.

A l’époque, j’intéressais pas mal la maison d’édition britannique Phaidon, qui m’avait invité à faire un livre sur la Russie durant la Perestroïka. Je leur ai envoyé ma collection du Japon et six mois plus tard, ils m’ont proposé de sortir un livre. C’est comme ça qu’est né le projet Sightwalk : complètement par hasard!

Pourquoi avoir commencéàutiliser Instagram ? 

Cela m’intéressait d’utiliser à la fois un appareil professionnel, mais aussi des instruments disponibles au grand public, bref, un smartphone ordinaire. La possibilité de prendre des photos sur son téléphone n’importe quand et dans n’importe quelle situation, c’est aussi un moyen d’accéder à cette liberté si essentielle au photographe.

Pour moi, il était aussi important que l’on puisse me voir pas seulement comme un photographe célèbre de Magnum. Sur Instagram, tous les auteurs partent avec les mêmes chances, en dehors de leur propre bagage personnel, et chacun se bat pour tirer son épingle du jeu. J’aime bien ce phénomène, et j’aime expérimenter.

Pour plus de détails sur l’exposition en cours, ainsi que sur la liste complète des stations qui présentent les travaux de Gueorgui Pinkhassov, rendez-vous sur le site de la RATP


Et vous avez-vous déjà vu les photographies de Gueorgui Pinkhassov ? Partagez vos impressions en tweetant @rbth_fr #métro #photo


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